Alors que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie pensaient avoir vaincu le virus, le spectre d’une seconde vague plane sur ces pays. Depuis maintenant quelques jours, ils font face à une hausse des contaminations. Alors que le nombre de cas s’était stabilisé sur le sol tunisien, avec un seuil proche de zéro, l’inquiétude est de retour. Par conséquent, les gouvernements souhaitent prévenir au maximum le risque de détérioration sanitaire. Le Maroc construit un hôpital de campagne pouvant accueillir jusqu’à 700 malades, la Tunisie importe à nouveau du matériel français et enfin, l’Algérie pense reconfiner certaines wilayas1.

La vulnérabilité et la fragilité du système de santé a peut-être, paradoxalement, sauvé ces pays. En effet, dès les premiers cas, l’inquiétude des gouvernements et des sociétés ont donné lieu à une véritable mobilisation collective2. La Tunisie, pays qui ne compte pas plus de 200 lits de réanimation, a par exemple très rapidement pris les devants pour éviter une contamination à grande échelle. Malgré cela, ces pays se sont démarqués dans la mobilisation de leurs entreprises et la production locale de masques, de surblouses, et aussi dans l’utilisation de la chloroquine. La prise de distance de l’OMS avec la chloroquine n’a en effet pas altéré la confiance qu’Alger et Rabat placent dans ce médicament. Selon leurs dirigeants, les effets secondaires de ce médicament extrêmement répandu demeurent limités. L’utilisation de la chloroquine semble être aussi une prise de position politique, selon le journal algérien El Watan, contre «  les grandes firmes pharmaceutiques  »3.

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Les gouvernements avaient un double objectif au travers de cette crise : endiguer le virus et protéger les marginalisés, mais aussi regagner la confiance de leurs société. Ainsi, le roi Mohamed VI s’est présenté au chevet de son pays et des plus pauvres. Cependant, dans les cas algérien et tunisien, des contestations sociales se sont ajoutées à la crise sanitaire, car l’une des plus grandes difficultés est de survivre à la pauvreté, et encore plus dans les régions reculées des pays. Le confinement a de réelles conséquences sur le chômage et l’économie parallèle, dont une partie de la société est encore dépendante. Les slogans en marge des émeutes à Tataouine, dans le centre de la Tunisie, les 20 et 21 juin, réclamaient ainsi la libération d’un militant politique, Tarek Haddad, et des emplois pour les habitants. A Tinzaouatine (frontière algéro-malienne) à la mi-juin, des revendications sur l’accessibilité de l’eau se sont ajoutées à la contestation du chômage, au manque de perspectives professionnelles, et à l’insécurité de cette grande route sahélienne.

Les pays ont néanmoins pu compter sur la forte mobilisation de leur diaspora, présente notamment en Europe. Les résidents à l’étranger ont participé grandement à l’effort collectif, au travers de collectes à destinations des hôpitaux et du Ministère de la santé. Mais le retour du virus dans ces trois pays peut les contraindre à ne pas y retourner durant la période estivale, ce qui serait un frein économique considérable pour le secteur du tourisme au Maroc et en Tunisie.

Un rapide bilan non exhaustif de cette crise nous indique que le Maroc poursuit sa volonté d’une politique hégémonique sur l’Afrique, en sillonnant le continent pour apporter une assistance matérielle grâce aux avions de la Royal Air Maroc4. Le récent séjour présidentiel en France de Kais Saied a montré que le soutien français envers la Tunisie était toujours aussi présent. Toutefois, les émeutes à Tataouine viennent remettre au goût du jour la situation sociale précaire que vit le pays. En Algérie enfin, la question se pose quant à savoir si le pouvoir fortement décriée, et qui a semblé dépassé par la crise sanitaire, saura survivre à une éventuelle reprise du hirak.

Enfin, alors que la Tunisie a rouvert ses frontières sous certaines conditions sanitaires, l’Algérie vient d’annoncer que les siennes resteront closes jusqu’à la fin de la pandémie. Quant au Maroc, il ne s’est pas encore officiellement exprimé sur le sujet.