La controversée politique de « consolidation » dans les villages du Shandong

Un article viral, paru en début de semaine, rapidement censuré mais qui a réussi à lancer un débat sur des pans de l’internet chinois. Cet article, originellement publié par SouthernWind (南风窗) traite de la politique de « consolidation » des villages dans le Shandong rural. Le terme en chinois est 合村并居 (合并 voulant dire « fusionner » ; 村 village et 居 résidence, habitation). La traduction en français est complexe et nous avons fait le choix de réhabilitation même si, comme vous allez le voir, le terme n’est pas exact.

L’article de Nanfengchuang, reproduit sur le site de ChinaDigitalTimes, relate les déboires de familles d’un petit village du Shandong. Les habitants de ce village ont été contraints de quitter leurs maisons pour être regroupées dans des « nouveaux quartiers », avec de nouvelles habitations plus modernes. Ces habitations, dont des images peuvent être aperçues dans l’articles ou ont été collectée par Chenchen Zhang, correspondent au standard de la « maison moderne » : deux étages, sanitaires modernes, eau courante, etc. Seulement, elles ne sont pas en « accord » avec les besoins de la population. En effet, selon les témoignages de l’article, elles ne sont pas adaptées à la vie à la campagne, d’agriculteurs : pas d’endroit où ranger le matériel, des frais supplémentaires (eau, électricité, chauffage au gaz), etc. De plus, elles forcent au regroupement des familles. Dans les villages « traditionnels », les parents pouvaient disposer de leur propre maison et les enfants, une fois mariés, de la leur. Les nouvelles résidences imposent ainsi une cohabitation malvenue entre les aînés et les nouvelles générations.

L’une des raisons pour laquelle l’article a été rapidement censuré est parce qu’il relate des relocations forcées. Une personne témoignant auprès des journalistes expliquent avoir été convoquée plusieurs fois au commissariat où elle a subi des pressions et des menaces. Si sa famille refuse de déménager, des enquêtes seront lancées, ils perdraient le travail, etc. Bien sûr, les familles relocalisées se verront « dédommagées » pour leur biens. Un dédommagement souvent faible qui laisse aux habitants le sentiment d’être perdant au change. Malgré la censure de l’article, les autorités locales ont été forcées à réagir sur le sujet. En début de semaine, les autorités du Shandong ont tenu une conférence de presse sur le sujet. Ils ont rappelé les justifications de cette politique de consolidation des villages : lutte contre la pauvreté, mais aussi exode rural (le Shandong étant une province avec le plus grand nombre de villages, villages dont la population moyenne est l’une des plus faible du pays).

Semiconducteurs

Beaucoup d’éléments sur Huawei ces dernières semaines, qui méritent d’être dans le cadre d’un « essentiel ». Tout d’abord, un article intitulé « Samsung ne sauvera pas Huawei ». Des rumeurs circulaient sur un « plan » ou « accord » avec l’entreprise coréenne, à qui Huawei aurait pu céder une partie de ses parts de marché dans la téléphonie mobile en échange d’accès aux fonderies de Samsung pour la production des bases 5G. Rumeurs qui ont suscité des interrogations et ont été rapidement démenties. Par contre, Huawei cherche réellement à se doter ou du moins à accéder une capacité de production de circuit intégrée (non américaine). La possibilité de se doter d’une telle capacité a déjà été ébauchée dans le Passe Muraille n°65. Si Huawei souhaitait mettre la main au porte-monnaie et débourser au minimum deux milliards de dollars pour acquérir les équipements nécessaires auprès de la Corée, du Japon de l’Europe ou de Taiwan, c’est faisable, assurent les auteurs. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’achat d’équipements n’est pas certain (Samsung est également sous pression américaine) et surtout que l’achat des équipements ne garantie par une qualité de production certaine et l’autonomie serait limitée aux paliers technologiques intermédiaires (les processeurs d’une finesse de gravure de 14 nm par exemple). Dans tous les cas, dans l’industrie des semiconducteurs (chinoise), le mot d’ordre est « indépendance », qu’importe le résultat de l’élection de novembre. La dernière phrase est clé : « tant que la Chine crée et maintient un cadre de travail suffisamment attirant pour les nouvelles générations d’ingénieurs chinois, l’autonomie est possible ».

Dans le domaine automobile, Huawei suit toujours sa stratégie « Huawei ne fait pas de voitures » (不造车). Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’entreprise fondée par Ren Zhengfei ne fournit pas ses composants aux fabricants. Ainsi, BYD va utiliser les processeurs Kirin pour ses cockpits automobiles. Si les deux entreprises ont déjà coopérer (et que BYD s’apprête à lister sa filiale semiconducteurs, dont nous avions parlé ici), la nouvelle est importante : c’est la première fois qu’une entreprise autre que Huawei utilise et intègre les processeurs Kirin conçus par HiSilicon. L’article cité ici montre également le travail effectué par Huawei pour développer les technologies permettant véritablement de rendre les voitures « connectées » : modules 5G, technologies de partage de l’information du véhicule vers « l’extérieur ». Un développement ancien puisque les premières recherches ont commencé dès 2009. Mais au delà des modules « complémentaires » (liés au « cockpit » de la voiture ou à la communication), Huawei vise le « coeur » du véhicule, à savoir, les systèmes de pilotage automatique et de contrôle. A cet égard, Huawei a reçu en février une certification allemande pour son « Intelligent Driving Computing Platform », ce qui lui donne une longueur d’avance sur Qualcomm, mais ne vaut toujours pas les capacités offertes par les systèmes de NVIDIA. Sur ce segment des composants « centraux » automobiles, Huawei place ses pions, grâce à sa coopération avec BYD mais aussi via sa coopération avec STMicroelectronics pour la production des semiconducteurs de type de IGBT. La coopération avec STMicro semble donc être une étape importante pour Huawei, qui cherche à se renforcer dans la filière véhicule et à être moins dépendant de TSMC. Selon DailyIC, la voiture MAXUS EUNIQ produite par SAIC intègre des contrôleurs dont les processeurs sont fabriqués par STMicro. Selon DailyIC, la coopération avec STMicro est bien plus ancienne que son annonce et dure depuis environ un an.

Crédits
Ce texte est un extrait du nr. 68 du Passe Muraille, une revue de presse hebdomadaire de l'actualité chinoise. Constitué à partir de sources originales traduites et contextualisées, c’est le seul compte rendu francophone, gratuit, consacré à l'actualité du monde sinophone : https://eastisred.fr/passe-muraille-n68-semaine-du-22-juin/