Maputo. Les élections de 2019 se sont déroulées dans un contexte particulier pour le Mozambique, entre aboutissement d’un processus de paix fragile, de concrétisation de mégaprojets gaziers devant sortir le pays de la pauvreté et d’une insurrection mystérieuse qui semble incontrôlable. Indépendant depuis 1975, il a connu une guerre civile jusqu’en 1992 entre le FRELIMO, parti (toujours) au pouvoir, et la RENAMO, principal force d’opposition. Des attaques sporadiques se produisaient encore régulièrement face à la lenteur prise par le gouvernement pour mettre en place les réformes induites par le processus de paix, et un nouvel accord dit “ définitif ’’ était arraché en août 2019 pour assurer les élections. En effet le régime du FRELIMO, à l’origine d’obédience marxiste-léniniste et très centralisateur, s’est démocratisé après les accords de paix jusqu’à permettre en 2019 les premières élections de gouverneurs provinciaux, revendication de la RENAMO. Si l’issue du scrutin n’était pas une surprise pour les observateurs internationaux – le FRELIMO s’assurant toujours le contrôle de l’appareil d’Etat – les conditions du processus électoral et le résultat très élevé du président Nyusi mettent en lumière les observations de la mission européenne.

Quel est le constat établit par la mission européenne ? Celle-ci met en lumière les nombreuses irrégularités qui ont eu lieu durant tout le processus électoral et favorisent le parti au pouvoir. La mission constate notamment que seules 3 des 21 recommandations effectuées par la mission électorale de 2014 ont été mises en place par le gouvernement mozambicain1. Dès le processus de recensement électoral, des irrégularités ont été observés par la communauté internationale, des irrégularités qui ont permis aux provinces les plus favorables au parti FRELIMO de gagner en nombre de votants – et donc en nombre de siège à l’assemblée – et aux bastions de l’opposition d’en perdre2. Ainsi la province de Gaza gagnait 8 sièges tandis que la province de Zambézie en perdait 4. La mission observe aussi un manque d’impartialité, ou de sentiment d’impartialité de la part des institutions comme la Commission Nationale pour les Elections, le Secrétariat Technique pour l’Administration des Elections ou les forces de police qui semblent toutes être plus favorables au FRELIMO. En terme de communication le Président de la République et candidat du FRELIMO Filipe Nyusi avait un avantage certain dans les médias. Enfin, si les élections en elles-mêmes se sont déroulées sans accroc, le décompte des bulletins ne paraît pas avoir respecté la procédure établie et semblait assez désorganisé.

Quelles perspectives tirer de ces élections et du rapport de la mission d’observation européenne ? Vu le résultat électoral très favorable au parti FRELIMO allant à l’opposé des résultats constatés aux élections générales de 2014 et municipales de 2018, vu la faible prise en compte du rapport des précédentes missions d’observation européenne, le constat le plus immédiat est celui d’une absence totale de prise en considération de la communauté internationale par les autorités mozambicaines.

Il faut cependant relativiser. Le Mozambique a connu une période difficile entre 2014 et 2019. La révélation d’emprunts cachés en 2016 a engendré une crise économique particulièrement difficile qui limite les moyens du gouvernement mozambicain, alors que la promesse des revenus des mégaprojets gaziers tarde à arriver. Dans le même temps une insurrection mal identifiée dans le nord du pays et les avancées difficiles pour aboutir à un traité de paix définitif avec la RENAMO ont contribué à conserver un climat de méfiance entre les différentes parties. Si l’on rajoute la perte graduelle de confiance de la population pour le FRELIMO, le gouvernement avait donc peu de moyens et d’envie de démocratiser le pays, qui implique un plus grand risque de perte du pouvoir.

Cela ne veut pas dire que les Mozambicains ne prennent pas en considération la parole européenne. Au contraire ils ne peuvent l’ignorer au risque de perdre de l’aide au développement. La mission européenne a voulu faire passer un message fort au travers de son rapport final en signifiant aux autorités mozambicaines qu’une amélioration réelle était possible si volonté politique il y a3. C’est caractéristique de la politique de l’Union d’inciter ses partenaires à adhérer à ses valeurs si ses derniers veulent poursuivre de bonnes relations. En présentant le rapport final, le chef de la mission, le député européen Nacho Sánchez Amor, insinuait que la démocratie mozambicaine est encore en construction et qu’il appartient aux Mozambicains de vouloir la construire. L’Union n’entend pas imposer la démocratie au Mozambique – ‘’à l’américaine’’ – mais aider les Mozambicains à la construire progressivement4.

Perspectives :

  • A court terme, les changements seront minimes, mais la publication du rapport devrait contribuer à la prise de conscience de la part des acteurs mozambicains (institutions, partis politiques, embryon de société civile), des failles de leur système politique et des abus du parti FRELIMO. L’UE est considérée comme un acteur sérieux et les commentaires du rapport ont été plusieurs fois repris dans les journaux locaux.
  • A plus long terme, des réformes seront probablement menées pour répondre à certaines recommandations faites par l’Union, mais le parti FRELIMO n’est pas prêt à céder la place à un autre. Il conviendra de voir aux prochaines élections quelles améliorations auront été réalisées.