Madrid. Le Conseil de l’Arctique a tenu un événement le 9 décembre dernier à Madrid sur le phénomène de l’acidification des océans en marge du Sommet des Nations-Unies sur le Climat. Cet événement a réuni plusieurs experts de l’Arctic Monitoring and Assessment Programme (AMAP – l’un des six groupes de travail du Conseil), du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC), de la East China Normal University/Nowergian Institute for Water Research, du Plymouth Marine Laboratory et des représentants du Conseil Circumpolaire inuit (l’une des six organisations permanentes de représentation des populations autochtones du Conseil).1

L’enjeu de l’acidification des océans était déjà souligné par l’AMAP en 2013 dans un de leurs rapports. Cinq années plus tard, en 2018, ce même groupe de travail a, à nouveau, consacré un rapport essentiellement sur cet enjeu2. Celui-ci a été discuté lors de la COP25 en rappelant que ce dernier fait état d’une meilleure connaissance scientifique du phénomène d’acidification que celui de 2013.

Le ministre de l’environnement et des ressources naturelles islandais (Guõmundur Ingi Guõbrandsson) soulignait, à la COP25, que la région Arctique fait face à d’importantes modifications environnementales qui se traduisent par un réchauffement deux fois plus rapide de la région comparativement au reste de la planète. De surcroit les effets physiques qui en découlent se ressentent plus en Arctique. La biodiversité arctique, particulièrement affectée par ses bouleversements, fait aujourd’hui l’objet de ce que l’on pourrait qualifier d’une extinction de masse.3

L’acidification de l’Océan Arctique : une réelle menace pour la biodiversité et pour les communautés locales 

Le phénomène d’acidification des océans peut être brièvement expliqué par la formation et l’accumulation d’acide carbonique qui décroît le pH (potentiel hydrogène) dans les eaux océaniques arctiques. Les océans sont les principaux régulateurs du climat mondial. À titre illustratif, l’océan absorbe la chaleur renvoyée par le soleil (ayant un impact direct sur la température de l’atmosphère) de même qu’il absorbe un grand pourcentage de l’excédant d’énergie résultant de l’augmentation croissante de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre (GES) elle même étant le résultat des activités humaines. L’acidification des océans est donc le résultat du rejet massif et croissant de CO2 dans notre atmosphère. L’Océan Arctique est particulièrement affecté par ce phénomène qui rend difficile la reformation des glaces marines saisonnières qui jouent un rôle important dans le flux de carbone entre l’atmosphère et l’océan. 

Le rapport de 2018 de l’AMAP fait état d’une rapide acidification des océans qui est aujourd’hui généralisée à l’ensemble des eaux marines arctiques en rappelant que la première source de l’acidification est le rejet de CO2 dans l’atmosphère due aux activités humaines. Ainsi, les écosystèmes marins arctiques subissent des bouleversements notables puisque l’acidification des océans a des impacts directs et indirects sur la vie marine arctique : les différentes espèces étant réparties dans des groupes fonctionnels des écosystèmes ; si l’une ou l’autre des espèces est affectée alors les autres espèces le seront aussi. 

L’Océan Arctique est particulièrement vulnérable en raison de sa faible concentration en ion carbonique et de son faible taux de salinité des eaux ; d’une réduction significative du pH comparativement aux autres océans ; de la quantité d’absorption des GES anthropiques issus majoritairement de l’Atlantique et du Pacifique et enfin de l’accroissement des apports de carbone (issu des terres) et d’eaux douces. 

Il n’est pas sans rappeler que l’acidification des eaux n’est pas homogène dans l’Océan Arctique. Par exemple, le Groenland est particulièrement affecté par le phénomène et les prévisions futures sont loin d’être encourageantes.

Le changement des écosystèmes corrélé avec l’acidification des océans affectent de manière significative le mode de vie des populations arctiques et impliquent une vulnérabilité sociale sur ces communautés dont leur mode de vie repose intrinsèquement sur la pêche. En effet, l’acidification des océans est l’un des facteurs qui contribue à l’altération de la composition des espèces de poissons dans l’océan arctique.

L’AMAP appelle les décideurs politiques à prendre des mesures

En plus des études scientifiques produites par les groupes de travail du Conseil de l’Arctique, ceux-ci sont également destinés à formuler des recommandations à l’intention des décideurs politiques. Parmi ses recommandations, l’AMAP exhorte les États membres, les États observateurs et la société civile internationale à réduire les émissions de dioxyde de carbone de toute urgence. Le groupe appelle à produire plus d’effort dans les recherches et la surveillance dans l’objectif d’acquérir une meilleure compréhension du procédé d’acidification et de l’effet de celui-ci sur les écosystèmes marins arctiques et sur les communautés locales qui reposent sur ces écosystèmes. Enfin, les experts encouragent les États à mettre en place des stratégies d’adaptation, pour répondre à l’ensemble des aspects du changement en Arctique, adaptées aux besoins locaux et sociétaux.