Windhoek. Le 27 novembre, une élection présidentielle a eu lieu en Namibie, au cours de laquelle Hage Geingob, candidat de la South West African People’s Organization (SWAPO), a été confirmé à la tête de l’État1. La victoire de la SWAPO, la formation politique historique de l’indépendance en 1993, n’est pas surprenante, mais la candidature du président sortant a suscité de nombreux doutes et inquiétudes. Certains journaux, en effet, ont divulgué des indiscrétions sur les liens entre Geingob et une entreprise de pêche islandaise, touchant également de nombreux ministres de son gouvernement2. Au cours de son nouveau mandat, Geingob, doyen de la politique namibienne, devra faire face à une série de faiblesses économiques et structurelles, impensables il y a quelques années encore dans un pays considéré comme solide par la communauté internationale3. Aucun changement n’est à prévoir sur le plan diplomatique.

L’indépendance de la Namibie en 1993 a ouvert un processus politique de libération de la sphère d’influence sud-africaine, à la fin du régime de l’apartheid. L’histoire du pays a été caractérisée par une très longue série de traumatismes qui ont marqué la mémoire historique et collective de la population locale (le génocide de Herero en est un exemple clair). La fondation en 1960 puis la montée au pouvoir de la SWAPO du leader historique Sam Nujoma ont permis au pays d’inaugurer une période fondée sur deux piliers : un compromis politique entre les classes moyennes blanches et la population noire et une diplomatie consacrée au multilatéralisme. La Namibie est devenue un acteur majeur dans la construction d’un État-providence, en promouvant une politique de paix intérieure, en particulier dans les zones frontalières avec l’Angola et l’Afrique du Sud. Sur le plan diplomatique, la politique de Nujoma face à la crise congolaise, véritable test pour la SADC, soutenant logistiquement l’intervention de l’Angola et du Zimbabwe pendant la seconde guerre du Congo (1998 – 2003), a favorisé le renforcement du régionalisme en Afrique australe, en vue d’équilibrer le pouvoir écrasant de l’Afrique du Sud à Mandela (1). Le multilatéralisme a donc toujours été pour la Namibie le principal moteur de la définition d’une ligne diplomatique solide, reprise ensuite par Pohamba et l’actuel président Geingob4.

L’ouverture à la coopération régionale et aux organisations internationales a été saluée par les diplomates du monde entier, ainsi que par une solidité institutionnelle enviable. La Namibie a réussi à attirer d’importants investissements étrangers, notamment dans les zones septentrionales pour les bassins miniers à la frontière avec l’Angola, ouvrant le pays aux investissements américains et chinois 5. L’économie namibienne, cependant, a montré des signes d’une forte récession, avec un PIB en baisse constante depuis 2016 et un ratio déficit/PIB doublé à partir de 2014 (passant de 23 % à 49 %). L’incapacité de Geingob à atténuer les coups d’un cycle économique défavorable s’est accompagnée d’un scandale de corruption impliquant certains ministères pour des liens présumés avec une entreprise de pêche islandaise (pour un montant de 10 millions de dollars)6. Telles sont les principales raisons d’inquiétude pour la SWAPO, qui a vu Geingob confirmé, face à un effondrement du consensus (de 87 % en 2014 à 56 % cette année)7.

La campagne électorale a été caractérisée par un thème très sensible, tant au niveau interne qu’au niveau continental : le rôle de la SWAPO, de plus en plus fragile, dans le cadre de la pacification et du compromis politique namibien8. Panduleni Itula, l’un des principaux représentants de la SWAPO, a décidé de se présenter comme indépendant et a su parvenir à un consensus électoral, emportant 29 % des suffrages, dans la ville de Windhoek en particulier, tout en se partageant avec la SWAPO quelques districts électoraux : cette initiative a permis de limiter les dégâts, notamment dans la capitale, jetant les bases d’une alliance possible à l’Assemblée nationale9. Le principal opposant, MC Henry Venaani, déjà opposant de Geingob en 2014, a atteint 5 % du consensus, dans un parti composé en partie d’exilés de la SWAPO, avec une base électorale forte dans l’arrière-pays et les banlieues de Windhoek. Son Mouvement démocratique populaire (PDM), selon certains analystes, pourrait être la future surprise des élections locales et administratives, prévues pour l’année prochaine. D’un point de vue symbolique, la candidature d’Eshter Muinjangue, première femme de l’histoire du pays candidatant à la présidence, et appartenant à la population Herero, est très importante : son Organisation démocratique pour l’unité nationale (NUDO) a suscité la sympathie des moins de 35 ans et a atteint 1 % du consensus10.

Perspectives  :

  • 2020 : Élections régionales et locales en Namibie. La capitale Windhoek est le principal banc d’essai, notamment pour comprendre la résilience et le potentiel du PDM.
Sources
  1. Namibia election : president wins second term despite scandal and recession, The Guardian, 1st December 2019.
  2. HOPWOOD G., An interesting election in Namibia, at last, African Arguments, 21st November 2019.
  3. BOSL A., Namibia’s Foreign Relations, Historic Contexts, current dimensions, and perspectives for the 21st century, Konrad Adenauer Stiftung, 2014.
  4. BOSL A., Namibia’s Foreign Relations, Historic Contexts, current dimensions, and perspectives for the 21st century, Konrad Adenauer Stiftung, 2014.
  5. HOPWOOD G., An interesting election in Namibia, at last, African Arguments, 21st November 2019.
  6. Namibia election : president wins second term despite scandal and recession, The Guardian, 1st December 2019.
  7. Namibia election : president wins second term despite scandal and recession, The Guardian, 1st December 2019.
  8. Main candidates in Namibia’s presidential elections, News24, 25th November 2019.
  9. Main candidates in Namibia’s presidential elections, News24, 25th November 2019.
  10. HOPWOOD G., An interesting election in Namibia, at last, African Arguments, 21st November 2019.