Hier les Roumains ont été appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle. Le président sortant, Klaus Iohannis, est arrivé en tête avec 36,7 % des voix. Il se présentera au deuxième tour, prévu pour le 24 novembre, contre la candidate sociale-démocrate, Viorica Dăncilă (23,8 %).
- On remarque une présence record du vote à l’étranger. Presque 700 000 personnes ont voté à l’étranger, grâce notamment à l’ouverture des urnes du vendredi (8 novembre) au dimanche (10 novembre) et à l’introduction du vote par correspondance. Les chiffres contrastent avec la participation à l’intérieure du pays, qui s’établit à 47,66 %, le taux le plus faible (aux présidentielles) jamais observé en 30 ans d’échéances électorales libres.
- On note également une certaine différence dans le vote : si la majorité des électeurs a voté pour le président sortant, la candidate sociale-démocrate obtient seulement 2,76 % des voix. Néanmoins, la diaspora ne parvient pas à faire front commun derrière Dan Barna pour bloquer la présence de Viorica Dăncilă au deuxième tour, comme prévu par plusieurs observateurs.
- Pour les sociaux-démocrates il s’agit d’une élection essentielle, qui infléchira l’avenir du parti vers une relance ou vers un (plus probable) recul. Après des manifestations massives contre les multiples tentatives d’affaiblir l’indépendance de la justice, l’incarcération de l’homme fort du parti (Liviu Dragnea) au mois de mai, un score faible aux élections européennes (22,5 %), le gouvernement a été renversé le 10 octobre par un vote de défiance. Néanmoins, le score permet au PSD de reste la deuxième force politique du pays, option donc viable pour les élections locales et législatives prévues pour juin 2020.
- On note également une tension entre les villes intégrées et le reste du pays. Une première pour la Roumanie, la présence en milieu urbain a été plus importante qu’en milieu rural. Le PSD garde une forte emprise territoriale dans les campagnes, alors que les villes, comme la diaspora, ont voté plutôt pour les candidats du centre/centre-droit.
L’élection à l’échelle pertinente
L’espace politique roumain devient de plus en plus fragmenté, à l’image des évolutions dans plusieurs pays ouest-européens. À noter également que l’arrivée de USR-Plus en troisième position représente un défi non pas seulement pour le parti social-démocrate, mais aussi pour son opposant historique, le PNL de Klaus Iohannis. Également, l’arrivée en quatrième position avec 9,2 % des voix, du parti de Victor Ponta (ancien PSD) PRO Roumanie, soulève la question de la récupération de la social-démocratie, 30 ans après la chute du communisme, par une entité politique nouvelle.
De ce point de vue la situation roumaine ne s’insère pas dans les tendances régionales. Les craintes et les nombreux avertissements de Bruxelles concernant l’affaiblissement de l’état de droit et de l’indépendence de la justice ont été dissipé avec le renversement du gouvernement PSD le 10 octobre dernier. Comme le mentionnait Dacian Cioloș dans un entretien pour le Grand Continent, la société roumaine a atteint un certain degré de maturité qui lui permet d’avoir un rôle de réequilibrage dans le jeu politique.
Perspectives
- 14 novembre : audition par le Parlement européen de la candidate roumaine, Adina Vălean, au poste de Commissaire européen (Transport).
- Mathématicienne de formation, Adina Vălean est membre du Parlement européen depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007. Elle figure parmi les eurodéputés les plus influents (4ème position selon le classement de VoteWatch Europe). Vice-présidente du Parlement européen de 2014 à 2019, elle était, depuis juillet 2019, présidente de la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, qui avait rejeté la candidature de Sylvie Goulard.
- 24 novembre : deuxième tour de l’élection présidentielle.