Le 27 octobre dernier, les gouverneurs, maires et conseillers ont été élus en Colombie. Il s’agissait des premières élections locales depuis la signature des Accords de Paix avec les FARC en septembre 2016. Malgré les espoirs suscités par ces accords, la violence politique reste prégnante et a encore tristement marqué la période électorale. La lutte pour les territoires, notamment ceux liés au narcotrafic, entre les paramilitaires et les guérilleros est responsable de nombreux homicides. Dans un rapport sur la violence électorale publié à dix jours avant le scrutin, la Fondation pour la Paix et la Réconciliation avait recensé 22 assassinats, 171 menaces et 22 attentats liés aux élections en moins d’un an de campagne1.

Ces violences qui perdurent et les espoirs déçus contribuent à l’aggravation de la crispation sociale dans la pays. Dans le sillage des manifestations du mois d’octobre en Amérique latine sur fond d’injustices et d’inégalités, les tensions sociales s’intensifient en Colombie et les protestations sont durement réprimées2. En cause, un gouvernement jugé autoritaire, violent et corrompu, en premier lieu par les étudiants qui appellent à l’arrêt des violences policières et au retrait du controversé article 44 du « Budget général de la nation » qui permettrait de payer la dette publique via des fonds originalement prévus pour l’éducation et la santé 3.

Dans ce contexte national particulièrement explosif, l’élection de Claudia López à la Mairie de Bogotá marque une rupture entre les Colombiens et ses dirigeants traditionnels. Première femme élue au Palacio Liévano, première femme homosexuelle à la tête d’une capitale américaine, membre du parti centriste Allianza Verde et figure de lutte contre la corruption, son élection est un symbole de progressisme et constitue un tournant politique important. Dans une tradition politique conservatrice et familiale, la nouvelle maire, se présente elle comme « la fille d’une famille comme la vôtre ».

Perspectives

  • Les mesures phares de Claudia López, qui entrera officiellement en fonction le 1er janvier 2020, telles que l’accès démocratisé à l’éducation supérieure ou la transition écologique de Bogotá 4, auront pour défi d’apaiser des tensions sociales qui se font chaque semaine plus intenses.
  • Dans les prochains mois, les grèves – notamment celle nationale du 21 novembre – et les manifestations risquent d’être le théâtre d’affrontements entre la population (notamment étudiante) et les forces de police.
  • Claudia López devra alors confirmer, dans ses prises de position, qu’elle est bien le tournant progressiste attendu par les citoyens et qu’elle marque le début d’un renouveau politique, au risque de s’approcher dangereusement du point de rupture.
Sources
  1. Fundación para la Paz y la Reconciliación, « Cuarto informe de violencia electoral », octobre 2019, https://pares.com.co/2019/10/16/cuarto-informe-de-violencia-electoral-en-colombia-2019/
  2. « Enfrentamientos después de protestas en la Distrital », El Tiempo, 18 octobre 2019 https://www.eltiempo.com/bogota/bloqueos-en-la-carrera-septima-por-protestas-424604
  3. « Movimiento estudiantil vuelve a las calles de Bogotá : Enfrentamientos entre Esmad y estudiantes » , La Semana, 17 octobre 2019 https://www.semana.com/educacion/articulo/marcha-estudiantil-no-se-detiene-y-volvio-a-tomarse-las-calles-cual-es-el-motivo/636395
  4. « Claudia Alcaldesa », Programme de gouvernement de Claudia López, 2019 https://assets.documentcloud.org/documents/6402331/Programa-de-Gobierno-Claudia-L %C3%B3pez.pdf