Pékin. Premier partenaire économique du Pakistan, la Chine tisse des liens diplomatiques et militaires importants, tout en intensifiant ses investissements (à travers le corridor sino-pakistanais : infrastructures, énergie, sécurité, agriculture) et ses ventes d’armes afin de servir ses intérêts stratégiques1. Le « Pays des Purs » connaît une crise économique et sécuritaire. Imran Khan voit dans sa relation avec Pékin un moyen de développer et d’équilibrer son rôle diplomatique dans la région, afin de contrer la prédominance indienne en Asie du Sud et lui assurent des débouchés. En visite d’État à Pékin début octobre, le premier ministre Khan est venu chercher du soutien dans le dossier du Cachemire face à l’Inde, l’appui de Xi pour ne pas figurer sur la liste des soutiens financiers au terrorisme, un soutien financier face aux demandes du FMI et marqué son attachement à l’axe stratégique sino-pakistanais (renseignement, sécurité, diplomatie, ouverture sur l’océan Indien et ressources naturelles).

Quelques jours après, Xi s’envolait pour l’Inde, convié par Narendra Modi pour la seconde édition d’un sommet informel (dans la continuité de la rencontre à Wuhan de 2018) de deux jours dans la ville de Mamallapuram, près de Chennai dans la région méridionale du Tamil Nadu. Lors de cette rencontre chargée de symbole, les deux leaders n’ont pas directement évoqué les questions sensibles (frontières, plateau du Doklam, soutien indien aux Tibétains), en particulier la situation au Cachemire2, et les liens forts entre le Pakistan (ennemi de toujours qui structure la politique de défense et de sécurité de New Delhi) et la Chine. Modi et Xi évoquèrent les questions de gouvernance économique régionale et de commerce3. Le déficit commercial se creuse entre les deux géants en défaveur de New Delhi. Aussi, Modi pointa le manque d’accès et d’ouverture du marché chinois aux entreprises et produits indiens. De son côté, Xi a encouragé l’Inde à rejoindre le plan Belt and Road Initiative en plus de soutenir Huawei dans l’équipement en 5G de l’Union indienne4. Cette rencontre témoigne la poursuite de la normalisation des relations diplomatiques entre la Chine et l’Inde qui ont en mémoire la guerre de 1962, les tensions toujours vives autour de la frontière et la rivalité stratégique durable de deux puissances hétérogènes (armement, technologie de rupture, soft Power, économie et diplomatie), l’une démocratique, courtisée par l’occident et le Japon, l’autre autoritaire, de plus en plus contestée.

Enfin, Xi Jinping effectua une visite à Katmandou, une première pour un chef d’État chinois depuis 23 ans avec comme double objectif de mettre en avant le partenariat économique et diplomatique entre le petit État Himalayen (qui cherche des débouchés et de la connectivité) et le grand voisin chinois (afin de dissiper l’influence importante de l’Inde) d’une part ; et de valider un traité d’extradition de ressortissants tibétains. Plusieurs infrastructures et axes de communication ont été construits par la Chine dans le cadre de BRI. Pour autant, cela n’a pas suffi à la finalisation du traité d’extradition de plusieurs milliers de Tibétains. Xi Jinping n’obtint qu’un « pacte d’assistance mutuelle en matière de criminalité »5. Le Népal figure dans les pays où les aires d’influence respectives de l’Inde et de la Chine se recoupent. Dans ce cas, l’influence politique, de renseignement et de culture joue pleinement.

La diplomatie chinoise du « pourtour » (zhoubian waijiao) rencontre des difficultés et des limites. L’Inde représente le concurrent majeur de demain, sa diplomatie tous azimuts, intégrant le concept indo-pacifique (dont l’acquisition finale de l’avion de combat de 5e génération le Rafale est le témoin le plus récent et éloquent de la coopération Indo-occidentale6), ses liens avec la Russie, Israël, mais aussi l’Afrique et une partie du Moyen-Orient contrastent avec la politique internationale de la Chine, contrariée dans son environnement régional proche.

Sources
  1. CABESTAN Jean-Pierre, 2015, La politique internationale de la Chine. Entre intégration et volonté de puissance, Presses Science Po, 638 pages.
  2. Dans l’été, New Delhi a révoqué le statut d’autonomie du Cachemire indien et sa division en deux territoires distincts, provoquant un regain de tension avec la Chine. Cette dernière revendique certaines parties de la zone (au Xinjiang et au Tibet) dans la partie orientale de la région du Cachemire. La Chine soutient le Pakistan aux Nations unies sur la question du Cachemire, objet des tensions entre l’Inde et le Pakistan.
  3. DUTTA Prabhash K, Is there a hidden Chinese message in Modi-Xi Jinping meet ?, India Today, 14 octobre 2019
  4. SHARMA Bhadra, SCHULTZ Kai, Xi Jinping Comes to Nepal Bearing Investments, and India Is Watching, The New York Times, 12 octobre 2019
  5. RAJAGOPALAN Rajeswari Pillai, Xi’s Visit Exposes the Limits of China-Nepal Strategic Convergence, The Diplomat, 17 octobre 2019
  6. COCHENNEC Yann, L’Inde réceptionne son premier Dassault Rafale, Air&Cosmos, 8 octobre 2019