Pékin. Les routes de la soie ne sont parfois pas blanches. Elles peuvent même être couleur charbon. En 2016, a contrario des États-Unis, la Chine avait fait forte impression en ne se désengageant pas de l’Accord de Paris, apparaissant par la même occasion comme une nation engagée pour la sauvegarde de la planète auprès de la communauté internationale. De fait, Pékin mène aujourd’hui une politique nationale plutôt agressive vis-à-vis de ses propres émissions carbone : en 2014, Li Keqiang, Premier ministre chinois, affirmait alors que le pays entrait « en guerre contre la pollution ».

Récemment, le gouvernement a même interdit à dix provinces de continuer à installer de nouvelles usines au charbon et s’est opposé à la construction de 100 nouvelles installations de production d’électricité 1.

Pourtant, et afin de ne pas pénaliser son industrie charbonnière, Pékin a dans le même temps encouragé ses industriels à investir par-delà ses frontières. Aujourd’hui, ce sont 34 pays qui accueillent près de 200 projets de centrales à charbon chinois, dont 11 en Afrique, d’après l’association EndCoal 2.

Plus précisément, parmi ces 11 pays africains, le mix énergétique de six d’entre eux était vierge de tout charbon, ce qui devrait soulever deux problèmes au cours des prochaines années : d’une part, une dépendance financière vis-à-vis de leur créditeur, et d’autre part le recours à une énergie, certes peu chère et abondante, mais dont il sera sans doute difficile de sortir dans un contexte de développement économique ou, à minima, de réduire les effets néfastes en installant d’éventuels dispositifs de capture du CO2 ou de traitement des fumées.

Ajoutons comme conséquence locale une dégradation de l’environnement dans les pays où les normes environnementales sont moins strictes et où certaines institutions sont encore embryonnaires ou souffrent de corruption.

Plus globalement, la stratégie chinoise d’exportation de son savoir-faire industriel, tous secteurs confondus, a forcé les pays hôtes à contracter des dettes envers la seconde puissance mondiale dans une stratégie de « colonialisme financier ». C’est par exemple le cas du Sri Lanka qui, sur ses 55 milliards de dollars de dettes, en doit environ 10 % à la Chine seule, entre autres à cause de la centrale de Lakyijaya, une centrale… au charbon3. Un rapide inventaire permet de mettre en lumière un phénomène similaire dans de nombreux pays en voie de développement :

Sur le sujet du charbon, et alors qu’un effort mondial est mené pour convertir des projets de centrales et désinvestir du secteur, Pékin pourrait en réalité chercher à écouler ses stocks, alors que près de 2,3 millions de mineurs chinois pourraient se trouver au chômage d’ici l’année prochaine4. Notons cependant que la Chine n’est pas seule dans cette aventure, alors qu’elle est rejointe par d’autres entreprises étrangères. C’est ainsi le cas de l’américain General Electric qui cherche à vendre ses turbines à gaz et son charbon excédentaire à tout prix, dans un environnement économique déprimé et plus favorable à l’essor d’autres technologies, comme le photovoltaïque et l’éolien5.

Pour l’Union européenne, les sujets d’inquiétudes sont nombreux. A commencer par l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de CO2 qui risquent de ne pas se réaliser. De plus, la présence renforcée de la Chine dans des pays en voie de développement au travers d’enjeux énergétiques fait craindre un assujettissement de ces pays tant vis-à-vis du Trésor chinois que du charbon comme source d’énergie. Enfin, la construction rapide et bon marché de centrales polluantes pourrait ruiner les efforts de développement d’autres technologies plus décentralisées ou adaptées à l’environnement local, ce qui poserait un nouveau frein à la transition énergétique des continents asiatique et africain.

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives  :

  • Les investissements dans les pays en voie de développement par le charbon assujettissent ces pays à une ressource polluante et peu chère ;
  • A moyen terme, les objectifs de réduction des émissions de CO2 pourraient pâtir de cette politique énergétique qui vise à sauvegarder temporairement de l’emploi ;
  • Enfin, l’introduction du charbon dans des pays où il n’était pas utilisé va conduire à un redoublement des efforts et des investissements internationaux dans les technologies propres.
Sources
  1. SANDALOW David, Guide to Chinese Climate Policy 2018, Columbia SIPA Center on Global Energy Policy, July 2018
  2. Endcoal, Global Coal Plant Tracker, Juin 2019
  3. Global Energy Monitor’s Global Coal Plant Tracker (anciennement CoalSwarm)
  4. HAO Feng, 2.3 million Chinese coal miners will need new jobs by 2020, Chinadialogue, 7 aout 2018
  5. EGAN Matt, GE aims to slash 1,000 jobs in France to stop the bleeding at slumping power division, CNN, 28 mai 2019