Goa. Si l’exercice Varuna n’est pas une nouveauté et qu’il ne peut être perçu uniquement comme une réponse aux velléités chinoises en Mer de Chine1, il s’inscrit comme tout élément de diplomatie navale dans un contexte géostratégique et géopolitique spécifique. En l’occurrence, l’espace indopacifique est aujourd’hui avant tout structuré par l’émergence d’une Chine décidée à jouer un rôle en eau bleue, notamment dans la perspective de raffermir son contrôle sur les voies de communication maritime (SLOCs) dont dépendent ses performances économiques ainsi que sa stabilité.

Cette démonstration de force franco-indienne, la plus importante depuis la création de l’exercice en 19832, peut dès lors être comprise de diverses façons. D’abord, elle démontre la maturité de la relation entre Paris et New Delhi alors même que ces deux nations s’inquiètent de la montée en puissance de l’acteur chinois. Par ailleurs, elle illustre les ambitions navales de l’Inde qui, après s’être dotée d’une sous-marinade respectable, cherche désormais à mettre en avant son outil aéronaval, alors même que la marine militaire chinoise devrait disposer, à l’horizon 2022, de trois porte-avions3.

Près d’un mois après l’incident entre la Chine et la France déclenché par le transit de la frégate de surveillance Vendémiaire par le détroit de Taïwan, la France, le Japon, l’Australie et les Etats-Unis ont par ailleurs pris part à des exercices navals communs dans la zone indopacifique4. Cela confirme les ambitions françaises dans la région, mais aussi son isolement : en dehors de ses partenaires locaux, la France semble être la seule nation européenne décidée à mettre en avant son attachement à la sauvegarde du droit de la mer, mis en péril par l’expansionnisme chinois.

Perspectives :

  • Dans l’espace indopacifique, la France est isolée en tant que puissance européenne malgré ses partenariats stratégiques avec l’Inde et l’Australie. Le Royaume-Uni, qui s’est retiré de la zone depuis plusieurs décennies, n’y entretient plus qu’une présence relative.
  • La faiblesse des marines européennes, notoirement dépourvues de bâtiments susceptibles d’opérer à l’est de Suez de façon soutenue et pertinente, est aujourd’hui l’un des principaux obstacles à l’émergence d’une politique européenne pour l’indopacifique.
  • Les rapprochements opérés par le passé entre la France et l’Inde d’une part et la France et l’Australie d’autre part, appellent à considérer le développement de l’axe Paris-Tokyo5, dans un contexte marqué par la montée en puissance de la Chine, mais aussi par l’imprévisibilité de l’acteur états-unien.