Vilnius. La présidence en Lituanie est une fonction « hybride » : élu au suffrage universel direct, représentant de la Nation et chef de l’État, le Président assume des fonctions principalement cantonnées au domaine de la politique étrangère et de la défense. Un certain rôle dans les nominations, surtout aux fonctions judiciaires, et un droit d’initiative dans le domaine législatif font de lui un acteur limité de la politique intérieure, qui est normalement définie et dirigée par le gouvernement, responsable devant un parlement.

C’est la politique étrangère qui intéresse le moins les Lituaniens. Tout semble en ordre : membre de l’Union, protégée par l’OTAN et notamment par la présence des forces alliées sur le territoire lituanien pour dissuader des actions potentiellement hostiles de la Russie voisine, la Lituanie semble être sur une voie d’intégration de plus en plus poussée dans les institutions euro-atlantiques, que peu de Lituaniens contestent.

Les enjeux se trouvent sur la scène intérieure : les Lituaniens attendent depuis longtemps des réformes dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la politique sociale. Les écarts entre riches et pauvres et entre zones urbaines et rurales s’agrandissent, la société est marquée par une forte émigration, la politique est tourmentée par des crises de corruption y compris dans la justice. Cela fait quelques années que le débat public se concentre sur ces problèmes : le gouvernement mis en place en 2016 affirme travailler d’une manière décisive en engageant les réformes promises lors des élections parlementaires, mais des résultats visibles et convaincants tardent à venir. La population semble déçue et désintéressée du jeu politique qui plonge de plus en plus dans des querelles entre les différentes factions politiques1.

Les candidats à la présidentielle ont peu d’élan politique et représentent le monde technocratique : les trois candidats qui se démarquent dans les sondages sont Gitanas Nausėda, un ancien conseiller d’une banque sans expérience politique, Ingrida Šimonytė, une ancienne ministre de Finances, populaire parmi les jeunes et surtout sur les réseaux sociaux et l’actuel Premier ministre et ancien Commissaire général de la police Saulius Skvernelis2. Aucun d’eux n’appartient à un parti politique et ne défend d’idéologie particulière, se situant autour du centre de l’échiquier politique.

La bonne nouvelle est que la campagne présidentielle lituanienne échappe aux grandes tendances populistes qui hantent l’Europe depuis ces dernières années. Le président lituanien élu sera raisonnable (peut être trop) et, dans les limites de l’architecture constitutionnelle, se forgera une place plus ou moins remarquable dans la politique intérieure et extérieure.

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives :

  • La politique étrangère lituanienne, soutenue par la présidente actuelle, Dalia Grybauskaitė, connue comme la « dame de fer » à cause de sa position très critique envers la Russie (elle avait traité la Russie d’« État terroriste »), pourrait connaître quelques variations. Un des candidats, Saulius Skvernelis (troisième dans les sondages) s’est déclaré en faveur d’un dialogue limité avec la Russie, alors qu’il est actuellement presque inexistant. Une petite ouverture, à l’instar de la visite de la présidente estonienne Kersti Kaljulaid à Moscou le 18 avril, pourrait se faire, mais sans changer l’approche globale très réservée envers le voisin russe3.