Athènes/Bruxelles. Le 23 avril, l’Institut Statistique Grec, Elstat, a diffusé les premiers chiffres provisoires des finances publiques grecques en 20181. La balance primaire du budget grec (recettes – dépense si l’on ne compte pas la charge de la dette) devrait s’améliorer de 4,4 points de pourcentage. C’est plus que les 4,1 points prévus originellement mais aussi une amélioration par rapport à 2017 et 2016 (3,9 et 3,6). Depuis plusieurs années, l’Etat grec est arrivé à stabiliser ses finances.

GEG | Economie pour Le Grand Continent. Source  : ELSTAT

De ce fait, les craintes autour de la dette grecque se sont éloignées. Alors qu’au pire de la crise, le taux d’intérêt sur la dette grecque avait atteint les 40 points, il n’est plus que de 3,3 points aujourd’hui. La Grèce est toujours le pays le plus endetté d’Europe (plus de 180 % de son PIB) mais elle peut s’attendre à des jours plus radieux si sa croissance reste positive et qu’elle arrive à profiter de ces taux bas afin de réduire la charge de la dette.

Est-ce pour autant l’exemple d’une success story pour les politiques d’austérité en Europe ? Une histoire dont Alexis Tsipras serait le héros inattendu et qui raconterait le sauvetage de la Grèce au bord de la faillite grâce aux sacrifices nécessaires.

Non, ce serait une histoire bien triste. D’après ELSTAT, le taux de chômage était toujours de 18,5 % en Janvier 2019 contre 7,8 % en Janvier 2008 (mais 27,8 % au pire de la crise). Le PIB au quatrième trimestre de 2017 n’a atteint que 75 % de son niveau d’il y a 10 ans. Les politiques d’austérité peuvent réduire le stock de dette mais elles ont un coût important.

Ceci pose la question de la place des politiques d’austérité dans l’histoire économique récente européenne. Si le mot a souvent été utilisé, n’y a-t-il pas eu un abus ?

D’abord, qu’est-ce qu’une politique d’austérité ? Il s’agit de l’amélioration volontaire du solde budgétaire par le moyen d’une réduction des dépenses et/ou d’une augmentation des recettes de l’Etat. C’est une façon, parmi d’autres, de réduire le stock de dette.

GEG | Economie pour Le Grand Continent. Source  : Eurostat

Le graphique ci-dessus montre pour chaque année de 2005 à 2018 et une sélection de pays européens, le changement du solde budgétaire. Tous les pays ont connu une chute de leur solde budgétaire en 2008/2009/2010 pendant les premières étapes de la crise. En réaction, 2011 a été une année d’austérité en Europe : l’ensemble des pays européens ont fait des efforts significatifs (jusqu’à 3 points de PIB pour l’Allemagne). Ca a été aussi la seule véritable année d’austérité. Après 2011, l’amélioration du solde budgétaire s’est faite beaucoup plus progressivement et a été étalée.

GEG | Economie pour Le Grand Continent. Source  : Eurostat

Quand on calcule le changement cumulée de solde budgétaire depuis 2011, c’est l’Allemagne qui est en tête (mais qui aussi a été rattrapée par la moyenne européenne en 2018), suivi par la France et avec l’Italie loin derrière. Au final, cela reflète les idées reçues sur l’ampleur des efforts budgétaires des différents pays européens.

L’histoire de la Grèce est incomparable. Malgré le fait que la réaction budgétaire initiale de la Grèce a été déjà forte en 2010 (équivalent à celle allemande de 2011), 2014 et en 2016 ont été des années d’austérité encore plus aiguë. L’effort consenti par l’Etat grec n’a rien à voir avec celui de ses partenaires européens depuis 2011 : une amélioration de plus de dix points du solde budgétaire.

Jugée à l’aune de la Grèce, l’Europe n’a pas connu de réel moment d’austérité, à part peut être en 2011. Etant donné l’état économique de notre partenaire héllène, c’est probablement une bonne nouvelle. Elle n’est pas allée non plus dans l’autre sens : il n’y a pas eu de politique de relance européenne. C’est peut être ce qui manque aujourd’hui alors que les perspectives de croissance sont moroses, notamment en Allemagne.

Perspectives

  • La Grèce est peut être en train de voir la lumière au bout du tunelle de l’austérité. Le prix de la dette grecque à 10 ans se rapproche du coût de la dette américaine. Pour cela il faudra tout de même que la machine économique mondiale ne se grippe pas.
  • Après des années de consolidation budgétaire (ou d’austérité light), la situation de grands pays comme l’Italie est loin d’être totalement réglée. On peut accuser leur manque d’effort budgétaire, mais peut être aussi l’absence de politique de relance budgétaire européenne. Il y avait peut-être une alternative.
Sources
  1. HELLENIC STATISTICAL AUTHORITY, Press release, Fiscal data for the years 2015-2018, 23 Avril 2019.