Washington. Alors que la course aux élections présidentielles commence à se chauffer, une chose apparaît clairement à droite : le Parti républicain est maintenant le parti de Donald Trump. Selon les sondages, 80 % des électeurs républicains approuvent son bilan – le taux d’appréciation le plus élevé depuis la présidence de George W. Bush1.

Cela ne signifie cependant pas que le président ne soit pas critiqué au sein de son parti. En effet, un groupe substantiel de républicains du Congrès n’hésite pas à le critiquer ouvertement : l’ancien candidat, aujourd’hui sénateur, Mitt Romney a écrit dans un éditorial du Washington Post que Trump « n’a pas le caractère pour diriger et inspirer le nation”2. Certains hommes politiques vont jusqu’à envisager de se lancer dans la course des primaires contre le président : c’est le cas de l’ancien gouverneur du Massachusetts Bill Weld, de gouverneur de l’Ohio John Kasich et de son homologue du Maryland, Larry Hogan3.

Ce sont des profils traditionnellement « modérés », conservateurs pragmatiques et fiscaux, qui ont fait leurs armes dans des États démocrates ou à dominante politique changeante, et qui ont à présent été laissés de côté dans la dynamique populiste de Trump. Ces politiciens fondent leurs ambitions sur le mécontentement envers le président : la défaite aux élections de mi-mandat, les doutes laissés par l’enquête de Mueller et la décision de retirer les troupes américaines de la Syrie ont commencé à miner sérieusement la confiance des membres du Congrès et de l’État profond avec lesquels, il y a quelque temps encore, un certain équilibre, certes instable, s’était formé.

Néanmoins, il est difficile de croire que défier Trump au sein de son propre parti soit aujourd’hui possible. Chaque tentative se heurterait à d’énormes obstacles. Tout d’abord, dans l’histoire, aucun adversaire lors des primaires n’a réussi à vaincre un président en exercice et, en tout état de cause, depuis 1992, il n’y a plus eu de tels défis. En outre, malgré les tensions possibles, il serait difficile de trouver des donateurs républicains – fondamentaux pour concrétiser toutes les ambitions – prêts à risquer la haine du président en finançant ouvertement la campagne d’un de ses rivaux. Même problème pour trouver de bons employés à embaucher dans le personnel, face à un président connu pour être particulièrement vindicatif4.

Dans tous les cas, le plus gros obstacle aux RINO (« Republicans In Name Only”, comme les surnomment leurs détracteurs) est la structure même du parti républicain sous Trump. Comme Henry Olsen et Dante J. Scala l’ont décrit dans « Les quatre visages du parti républicain« 5, le Grand Old Party est parvenu à réunir quatre grandes factions : les conservateurs fiscaux, les conservateurs sociaux (comme les évangéliques), les conservateurs économiques et les modérés. Trump a élargi les frontières du parti en ajoutant une cinquième nouvelle faction, celle des conservateurs nationalistes, anti-immigration et protectionnistes. Ce faisant, Trump n’a cependant pas uniquement élargi la base d’électeurs : une fois au pouvoir, il a donné à quatre de ces cinq factions ce qu’elles voulaient : des réductions d’impôt aux conservateurs économiques et fiscaux, les nominations à la Cour suprême aux conservateurs sociaux et la guerre commerciale et la ligne dure sur l’immigration aux nationalistes. C’est ainsi qu’il a réussi à conserver un large soutien parmi les électeurs conservateurs.

Dans ce contexte, on comprend à quel point la ligne de démarcation de chaque challenger est subtile : il s’agit de reconquérir la majorité du parti en l’enlevant à Trump, ce qui pour le moment semble plutôt improbable. Une possibilité de succès lointain pourrait se produire si Trump s’autodétruit, par mise en accusation ou en continuant à effectuer des choix critiqués par la base comme le shutdown.

Une deuxième possibilité, plus réaliste, mais de long terme, consisterait à reconstituer une forte majorité opposée à celle de Trump. Le moyen le plus rapide de le faire serait inspiré par le même atout : c’est-à-dire en incluant des électeurs plus modérés dans le parti. En effet, dans un climat politique de plus en plus polarisé, le nombre d’électeurs indépendants augmente6. En d’autres termes, Trump aura également une appréciation record parmi les républicains purs, mais ceux-ci seront bien moins nombreux.

Un républicain modéré ambitieux, et disposé à jouer à long terme, pourrait donc viser à ce choix : ramener au vote républicain tous les électeurs éduqués, conservateurs du point de vue fiscal et économique, et qui aujourd’hui se déclarent indépendants. En agissant ainsi, sans avoir aucune chance de saper Trump en 2020, il pourrait réussir une mission beaucoup plus importante : reconquérir l’âme du Parti républicain, en le ramenant au centre.

Perspectives :

  • Le cas de Trump montre de nombreuses similitudes avec ce qui se passe dans la politique européenne, avec une droite proche des positions nationalistes et souverainistes. En ce sens, étant donné les différences dues aux systèmes politiques, l’analyse de Olsen et de Scala offre une clé intéressante pour comprendre le succès des partis populistes de droite également en Europe : avoir réussi à former une coalition diversifiée, mais offrant des réponses très précises aux demandes individuelles identifiées comme majoritaires.
  • S’il semble que Trump sera désigné candidat, la situation semble tout à fait différente dans le parti démocrate : à gauche, les primaires se présentent comme un moyen non seulement d’essayer de conquérir la Maison-Blanche, mais aussi (et surtout) de déterminer de manière profonde la philosophie du parti, orientant aussi indirectement les choix futurs des républicains. Pour cette raison, les primaires qui réunissent aujourd’hui 18 candidats officiels aux idées très différentes, doivent être suivi avec beaucoup d’attention.
  • 3 février 2020 : début de la primaire dans l’Iowa.
Sources
  1. Presidential Approval Ratings, Gallup, 1-9 avril 2019.
  2. ROMNEY Mitt, Mitt Romney : The president shapes the public character of the nation. Trump’s character falls short, The Washington Post, 1 janvier 2019.
  3. COLLOT Giovanni, The “Never Trump” opposition and the fight for the soul of the Republican Party, Aspenia online, 10 avril 2019.
  4. BACON Jr. Perry, What Would It Take For Trump To Get Primaried ?, Fivethirtyeight, 8 janvier 2019.
  5. OLSEN Henry, SCALA Dante, The Four Faces of the Republican Party and the Fight for the 2016 Presidential Nomination, Palgrave, 2015.
  6. SMITH Samantha, 5 facts about America’s political independents, Pew Research Center, 5 juillet 2016.