Moscou. Après un procès à huis-clos, Frode Berg, menotté, a été enfermé dans une cage de verre avec seulement des interstices pour communiquer. Sa cage est entourée de trois hommes en uniforme. C’est un homme qui semble dangereux pour l’État russe. Il a déjà passé 500 jours dans la prison de la FSB, la police secrète.

Ce retraité norvégien a été condamné à 14 ans d’emprisonnement pour espionnage, une peine que son avocat russe Ilya Novikov qualifie de « prison à vie », considérant l’état des prisons russes et l’âge du condamné, 63 ans. Frode Berg a travaillé dans une agence gouvernementale norvégienne dont la mission est de surveiller que l’accord frontalier entre la Norvège et la Russie soit respecté. Il avait été arrêté en décembre 2017 avec sur lui 3000 euros en liquide1. Les autorités russes lui reprochaient d’aider les services norvégiens en collectant des informations sur les sous-marins nucléaires de la flotte russe. Il reconnaît avoir servi de passeur d’informations et avoir transmis de l’argent à des adresses données par les services norvégiens, mais il nie avoir fait de l’espionnage car, selon son avocat norvégien Brynjulf Risnes, il ignorait de quoi il en retournait.

Le procès a été sans surprise : seule la sentence est particulièrement lourde, rapporte son avocat norvégien, qui s’attendait plutôt à 10-12 ans2. Cette condamnation sert d’avertissement de la part du gouvernement russe à ceux qui agissent contre eux. Frode Berg ne conteste pas le jugement, d’après son avocat russe, mais cherche à obtenir la grâce présidentielle de Vladimir Poutine. Il attend aussi que son gouvernement entreprenne des initiatives diplomatiques. Son avocat norvégien est convaincu qu’il pourra être transféré en Norvège, n’estimant pas que les autorités russes souhaitent garder le citoyen norvégien3.

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Cette découverte a refroidi les relations entre les deux pays frontaliers qui vivaient dans une bonne entente, quoique celle-ci fût entamée par l’annexion de la Crimée en 2014, après quoi la surveillance de la frontière s’est accrue. En 2010, les deux pays étaient parvenus à un accord sur leurs frontières maritimes dans la mer de Barents (région riche en hydrocarbures), résultat de 40 années de négociations. Il se trouve que Frode Berg habite à Kirkenes, non loin de la frontière avec la Russie, au bord des côtes arctiques. C’est dans cette ville que, en 2016, les Norvégiens avaient placé un navire espion chargé de surveiller les Russes en mer de Barents4.

Cette condamnation risque de scléroser la discussion, alors qu’Erna Solberg, première ministre norvégienne, espérait le retour de son compatriote. Solberg et Poutine se sont rencontrés mais aucune solution n’a encore été trouvée. Toutefois, le président russe a annoncé prendre en considération une demande de grâce lorsqu’elle sera formulée.

Perspectives :

  • Poutine entend montrer au reste de l’Europe et du monde son intransigeance vis-à-vis de l’espionnage vers la Russie.
  • En cas de refus de grâce ou de transfert de Frode Berg vers la Norvège, les relations avec la Russie pourraient se fissurer ; les deux pays pourraient alors subir un renforcement des sanctions économiques.
  • En supposant une aggravation des relations, il est possible qu’un contrôle aux frontières soit renforcé par les autorités norvégiennes.
Sources
  1. VISSGREN Julie, KRUSE Jan Espen, SVAAR Peter, Frode Berg dømt til 14 års fengsel, NRK, 16/04/2019.
  2. STAALESEN Atle, Frode Berg sentenced to 14 years for espionage, The Barents Observer, 16/04/2019.
  3. Putin utelukker ikke en benådning av Frode Berg, Aftenposten, 16/04/2019.
  4. TRUC Olivier, L’arrestation d’un « espion » norvégien à Moscou inquiète Oslo, Le Monde, 30/12/2017.