Notre-Dame d’Europe et du monde

Simples observateurs ou passants fortuits, poètes... De la Turquie à la Colombie, de l'Angleterre des préraphaélites à la Russie des acméistes, ces textes clefs offrent des points de vue étrangers sur Notre-Dame. À l'improviste, des correspondances se créaient entre les textes ; la cathédrale y défie souvent l'habitude, elle est toujours la sujette de regards étonnés.

Auteur
Le Grand Continent
Image
Henri Matisse, Vue de Notre-Dame depuis le Quai Saint Michel
Notre Dame d'Europe et du monde Le Grand Continent

Osip Mandelstam, « Notre Dame » in Pierre, 1912

Где римский судия судил чужой народ,
Стоит базилика,- и, радостный и первый,
Как некогда Адам, распластывая нервы,
Играет мышцами крестовый легкий свод.

Но выдает себя снаружи тайный план :
Здесь позаботилась подпружных арок сила,
Чтоб масса грузная стены не сокрушила,
И свода дерзкого бездействует таран.

Стихийный лабиринт, непостижимый лес,
Души готической рассудочная пропасть,
Египетская мощь и христианства робость,
С тростинкой рядом – дуб, и всюду царь – отвес.

Но чем внимательней, твердыня NotreDame,
Я изучал твои чудовищные ребра,
Тем чаще думал я : из тяжести недоброй
И я когда-нибудь прекрасное создам.
1

Après avoir été interdit d’accès à l’université de St-Pétersbourg en raison de quotas limitant les inscriptions d’étudiants juifs, Osip Mandelstam, poète russe du début du XXème siècle, se rend à Paris pour suivre des cours à la Sorbonne de 1907 à 1908. Ce poème intitulé

“Notre Dame” est écrit en 1912 et il est publié dans “(La) Pierre”, un des recueils fondateurs d’un mouvement poétique russe du début des années 1910, l’acméisme. Ce mouvement s’oppose au symbolisme russe, un courant défini par l’affirmation d’un monde transcendantal et d’une poésie du non-dit, de l’allusion. À l’opposé, l’acméisme aspire à représenter la poésie du monde quotidien et matériel. Cela se traduit dans “Notre-Dame” par la volonté de Mandelstam de détailler et nommer de façon précise les différentes parties de la cathédrale. Osip Mandelstam adopte le point de vue d’un architecte. Il insiste davantage sur la nécessité de construire une cathédrale stable et pérenne que sur la fonction religieuse de l’édifice.

Heinrich Heine, Particularités françaises, 1833

Am 10. Februar (1832) […]

Die Art, wie die Franzosen die wichtigsten Gegenstände mit spöttelndem Leichtsinne behandeln, zeigt sich noch bei den Gesprächen über die letzten Konspirationen. Die, welche auf den Türmen von Notre-Dame tragiert wurde, scheint sich ganz als Polizeiintrige auszuweisen. Man äußerte scherzend, es seien Klassiker gewesen, die aus Haß gegen Victor Hugos romantischen Roman »Notre Dame de Paris« die Kirche selbst in Brand stecken wollten. Rabelais’ Witze über die Glocken derselben kamen wieder zum Vorschein. Auch das bekannte Wort »Si on m’accuserait d’avoir volé les cloches de Notre-Dame, je commencerais par prendre la fuite« wurde scherzend variiert, als einige Karlisten infolge dieser Begebenheit die Flucht ergriffen. Die letzte Konspiration von der Nacht des zweiten Februars will man ebenfalls zum größten Teile den Machinationen der Polizei zuschreiben.2

Heinrich Heine est à Paris le 4 janvier 1832 lorsqu‘a lieu le complot dit « des tours de Notre-Dame ». Un groupe de jeunes gens dans lequel l‘opinion orléaniste verra jusqu‘au bout des agents du parti républicain, s‘introduit dans Notre-Dame, sonne le tocsin et tente d‘incendier l‘édifice, espérant ainsi entraîner une insurrection. Le Journal de Paris du lendemain écrit :

« Vers quatre heures de l‘après-midi, huit individus qu‘on savait s‘être réunis le matin chez un des meneurs, se présentèrent pour visiter les tours de Notre-Dame, où ils montèrent sans difficulté. Immédiatement après, il se barricadèrent dans le haut, attachèrent une corde au bourdon, et se mirent à sonner pendant que deux des leurs mettaient le feu à la tour du midi. Le gardien monte, on lui tire un coup de pistolet. […]

À huit heures et demie le feu reparut une seconde fois dans la tour du midi ; les pompiers qui étaient accourus l‘éteignirent promptement. […]

On trouva dans la tour auprès de l‘endroit où le feu avait pris, des copeaux et des briquets, deux pistolets, des cartouches, un bonnet rouge, plusieurs placards […], près de dix livres de pain et une bouteille d‘eau de vie. Les prévenus ont été transférés à la préfecture de police par des sergents de ville et la garde municipale. »

Toutefois, l’intervention rapide de la garde municipale et des pompiers évite à la fois l‘émeute et la propagation des feux allumés dans la tour sud, qui avaient commencé à gagner le toit. Le meneur de l‘émeute accusera plus tard la police parisienne et son préfet Henri Gisquet d’avoir laissé le feu s‘étendre pour valoriser l’action de ses propres services. L’action de la Préfecture de police, véritable État dans l’État en cette période propice aux émeutes et aux renversements de régime, a souvent alimenté les fantasmes. Quant au complot, il pourrait avoir été, en définitive, le fait de légitimistes. Moins d’un mois plus tard, le 1er février 1832, le complot – cette fois ouvertement légitimiste – de la rue des Prouvaires est à son tour déjoué : les conjurés entendaient attenter à la personne du roi Louis-Philippe lors d’un bal organisé au palais des Tuileries et d‘installer à sa place Henri d’Artois (Henri V), petit-fils de Charles X et prétendant légitimiste au trône. Frappé par le ton volontiers railleur qui a cours au sein de la population et de la presse parisienne, qui ironisent sur les conspirations plus ou moins rapidement déjouées qui se succèdent depuis l‘année 1830, Heine en rend compte dans ses Particularités françaises (Französische Zustände). Une partie de ce recueil d‘articles, publié en feuilleton dans l’Allgemeine Zeitung, sera finalement censurée par les autorités allemandes. Il n’en reste pas moins qu’au lendemain de la Révolution de Juillet qui a propagé dans toute l’Europe les idées libérales, la série de Heine a souvent été considérée outre-Rhin comme un modèle, ironique et enlevé, du premier journalisme moderne.

Dante Gabriel Rossetti, « On Climbing The Stairs Of Notre Dame », 1849

As one who, groping in a narrow stair,
Hath a strong sound of bells upon his ears,
Which, being at a distance off, appears
Quite close to him because of the pent air :
So with this France. She stumbles file and square
Darkling and without space for breath : each one
Who hears the thunder says : “It shall anon
Be in among her ranks to scatter her.”

This may be ; and it may be that the storm
Is spent in rain upon the unscathed seas,
Or wasteth other countries ere it die :
Till she,—having climbed always through the swarm
Of darkness and of hurtling sound,—from these
Shall step forth on the light in a still sky.
3

Peintre britannique fondateur de l’influente « confrérie préraphaélite », Dante Gabriel Rossetti composa également de nombreux poèmes, à l’instar de son père, un noble italien révolutionnaire exilé au Royaume-Uni, et de ses frères et soeurs Maria Francesca, William Michael et Christina Georgina. C’est précisément à son frère qu’il adresse le 8 octobre 1849 la première version connue du sonnet « The Staircase of Notre Dame », précisant aussitôt que « c’est le retentissement des cloches pendant la montée qui [lui] a procuré une précieuse inspiration ».

Le caractère politique de ce poème est débattu par la critique contemporaine : certains spécialistes proposent en effet de voir dans l’allégorie de la France à la peine un écho de la révolution manquée de 1848. Il est en tous les cas certain que cet « Escalier de Notre-Dame » témoigne de la place culturelle singulière qu’occupait la cathédrale parisienne dans les conversations d’une famille européenne, cultivée et très amatrice des oeuvres de Victor Hugo.

Mohandas Karamchand Gandhi, My Experiments With Truth, 1925

The ancient churches of Paris are still in my memory. Their grandeur and their peacefulness are unforgettable. The wonderful construction of Notre Dame and the elaborate decoration of the interior with its beautiful sculptures cannot be forgotten. I felt then that those who expended millions on such divine cathedrals could not but have the love of God in their hearts.

I had read a lot about the fashions and frivolity of Paris. These were in evidence in every street, but the churches stood noticeably apart from these scenes. A man would forget the outside noise and bustle as soon as he entered one of these churches. His manner would change, he would behave with dignity and reverence as he passed someone kneeling before the image of the Virgin. The feeling I had then has since been growing on me, that all this kneeling and prayer could not be mere superstition ; the devout souls kneeling before the Virgin could not be worshipping mere marble. They were fired with genuine devotion and they worshipped not stone, but the divinity of which it was symbolic. I have an impression that I felt then that by this worship they were not detracting from, but increasing, the glory of God.

Lorsque le jeune Gandhi découvre la France, Paris est toute à l’effervescence de l’exposition universelle de 1890. En Angleterre, il se rattache, en négatif, aux traditions de sa religion, mais développe une curiosité aiguë vis-à-vis de la culture occidentale.

Pourtant, de ses déambulations parisiennes, Gandhi ne retient pas grand’ chose, si ce n’est que l’imposante attraction du moment : la tour Eiffel. Comme Tolstoï – qui deviendra le principal inspirateur de sa pensée politique et religieuse –, il n’y voit qu’un jouet, pour amuser les enfants, un ouvrage de pure folie, ne servant aucune finalité particulière.

Notre-Dame à l’inverse, incarne pour lui le calme et la dévotion des hommes vis-à-vis de Dieu. Au-delà de l’étonnement c’est, encore une fois, l’accentuation d’une différence entre deux mondes, le dedans et le dehors de la cathédrale qui l’interpelle : « A man would forget the outside noise and bustle as soon as he entered one of these churches. His manner would change, he would behave with dignity and reverence as he passed someone kneeling before the image of the Virgin.  » On retrouve, comme chez Claudel, une sorte d’efficace de Notre-Dame, qui semble agir ici sur la présentation de soi des habitants de Paris.

William Ospina, « Notre Dame de Paris » (extrait), 2008

Así aprendí a querer tu compleja estructura,
allí estaba, envolviéndome,
tu cielo acastillado donde aletea la música,
los colores mordidos por la húmeda tiniebla,
la meditada oblicua de la luz en las criptas,
los sepulcros que agrava un lóbrego latín.
Allí estabas, dibujo fiel de la mente gótica,
retrato de una edad hecha de ley y de abismo,
batalla contra el caos perpetuada en la piedra.
Y te amé en esas tardes sin comprenderte, y fuiste
el sitio señalado para el éxtasis
cuando una aciago amor socavaba mi alma.

Dans cette vision concise, le poète colombien William Ospina (né en 1954) partage une vision personnelle de Notre-Dame, tout en s’appuyant sur les images littéraires et picturales connues de la cathédrale. À dessein, ses attributs y sont dressés en liste, des vers 3 à 6 ; puis vient son roman des origines : elle est un « retrato de una edad hecha de ley y de abismo », fidèle au dessein de « la mente gótica. »

Mais ce qui semble interroger le poète, c’est plutôt le mystère qui, malgré la palette d’images familières développée au centre du poème, continue d’entourer Notre-Dame. S’il ouvre le poème en admettant qu’il a « appris à aimer sa structure complexe », c’est pour mieux admettre à la fin du poèmes, en remembrance de soirées passées à la contempler («  esas tardes ») qu’il « l’aime sans la comprendre. »

Comme l’amour perdu de la fin du poème, Notre-Dame continue d’exercer un attrait mystérieux ; à la manière de certains quartiers ou de certaines rues, la nuit, on s’étonne de s’y perdre alors qu’on croit les connaître par cœur.

Nâzım Hikmet, « Tant qu’il est encore temps ma rose », 1958

Henüz vakit varken, gülüm
Paris yanıp yıkılmadan,
henüz vakit varken, gülüm
yüreğim dalındayken henüz,
ben bir gece, şu Mayıs gecelerinden biri
Volter Rıhtımı’nda dayayıp seni duvara
öpmeliyim ağzından
sonra dönüp yüzümüzü Notrdam’a
çiçeğini seyretmeliyiz onun,
birden bana sarılmalısın, gülüm
korkudan, hayretten, sevinçten
ve de sessiz sessiz ağlamalısın,
yıldızlar da çisemeli
incecikten bir yağmurla karışarak.

Henüz vakit varken, gülüm
Paris yanıp yıkılmadan,
henüz vakit varken, gülüm
yüreğim dalındayken henüz,
şu Mayıs gecesi rıhtımdan geçmeliyiz
söğütlerin altından, gülüm
ıslak salkımsöğütlerin.
Paris’in en güzel bir çift sözünü söylemeliyim sana,
en güzel, en yalansız,
sonra da ıslıkla bir şeyler çalarak
gebermeliyim bahtiyarlıktan
ve insanlara inanmalıyız.
Yukarıda taştan evler,
girintisiz, çıkıntısız
birbirine bitişik
ve duvarları ayışığından
ve dimdik pencereleri ayakta uyukluyor
ve karşı yakada Luvr
aydınlanmış ışıldaklarla
aydınlanmış bizim için
billur sarayımız.

Henüz vakit varken, gülüm
Paris yanıp yıkılmadan,
henüz vakit varken, gülüm
yüreğim dalındayken henüz,
şu Mayıs gecesi rıhtımda, depolarda
kırmızı varillere oturmalıyız.
Karşıda karanlığa giren kanal.
Bir şat geçiyor,
selâmlayalım, gülüm,
geçen sarı kamaralı şat’ı selâmlayalım.
Belçika’ya mı yolu, Hollanda’ya mı ?
Kamaranın kapısında ak önlüklü bir kadın
tatlı tatlı gülümsüyor.

Henüz vakit varken,
gülümParis yanıp yıkılmadan,
henüz vakit varken, gülüm…
Parisliler, Parisliler
Paris yanıp yıkılmasın…
4

Nâzim Hikmet est un célèbre poète turc, particulièrement reconnu en France, où il fait de nombreuses visites lors de son exil politique de 1950 jusqu’à sa mort en 1963. Ostracisé de son pays pour son soutien aux mouvements communistes et ouvriers, Hikmet est un véritable romantique connu pour ses poèmes nostalgiques qui font l’éloge des vies ordinaires et des histoires d’amours.

Avec mélancolie, Hikmet met en scène un couple amoureux entrain de contempler Paris. Il met l’accent sur la nécessité d’admirer cette ville et Notre-Dame avant qu’elle ne disparaisse par les flammes ou ne soit détruite. Il supplie enfin aux parisiens de protéger leur ville avec un pressentiment singulier.

Sources
  1. Où le Romain jugeait tout un peuple étranger,
    Se tient la basilique – et joyeuse, première
    Comme Adam, l’impondérable voûte croisée
    Vient jouer de ses muscles et tendre ses nerfs.

    Mais pourtant l’extérieur trahit son plan secret :
    Les arcs-boutants puissants ont voulu être sûrs
    Que le bélier de la voûte soit sans effet
    Et la lourde masse n’écrase pas les murs.

    Spontané labyrinthe, impensable forêt,
    Abîme rationnel de l’âme si gothique,
    Force de l’Égypte et chrétienne humilité,
    Près du roseau le chêne, et l’aplomb – roi unique.

    Mais plus j’examinais ton bastion, Notre-Dame,
    Tes côtes monstrueuses et jamais domptées,
    Plus je pensais : dans la pesanteur qui nous damne
    Je saurai à mon tour créer de la beauté ! – Ossip Mandelstam (1891-1938), (La) Pierre (1906-1915) (Circé, 2003), traduit du russe par Henri Abril

  2. Le 10 février 1832
    La manière qu‘ont les Français de traiter des affaires les plus importantes avec une légèreté moqueuse se dévoile chaque fois que l‘on discute des dernières conspirations. Celle qui fut ourdie sur les tours de Notre-Dame a toutes les apparences d‘une intrigue policière. On racontait en plaisantant qu‘il s‘agissait de classiques qui, par haine du roman romantique « Notre-Dame de Paris » de Victor Hugo, voulaient mettre le feu à l‘église. Le mot d‘esprit de Rabelais à propos des cloches de cette même église revenait sans arrêt. De même le fameux dicton « Si on m‘accuserait (sic) d‘avoir volé les cloches de Notre-Dame, je commencerais par prendre la fuite » fit l‘objet de diverses variations spirituelles, alors que quelques carlistes avaient pris la fuite à la suite de l‘incident. La dernière conspiration de la nuit du deux février est elle aussi attribuée, pour la plus grande part, aux machinations de la police.
  3. L’escalier de Notre Dame, Paris
    Comme qui, tâtonnant dans un escalier étroit,
    Entend fort le son des cloches retentir à ses oreilles,
    Son qui, quoique lointain, parait bien
    Proche à cause de l’air confiné :
    Voilà comme est la France ; elle trébuche, en rangs,

    Sombre et privée d’espace pour respirer ; tous ceux
    Qui entendent le tonnerre disent : “Il sera
    Bientôt parmi ses rangs pour la disperser.”

    Cela se peut ; et il se peut que la tempête
    passe en pleuvant sur des flots indemnes
    Ou qu’elle se déchaîne sur d’autres pays avant de s’éteindre ;
    Jusqu’à ce qu’Elle, ayant toujours monté dans une nuée
    De ténèbres et d’entrechoquements, s’en éloigne
    Pour avancer sous la lumière d’un ciel immobile.

  4. Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    avant que Paris ne brûle, ne soit détruite,
    Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    Tant que mon cœur se pose sur ta branche.
    Moi, une nuit, une de ces nuits de mai,
    t’appuyant contre un mur, quai Voltaire,
    j’embrasserai ta bouche
    puis, tournant nos visages vers Notre-Dame,
    Nous contemplerons sa rosace.
    Soudain, tu te serreras contre moi, ma rose,
    de frayeur, de surprise, de joie,
    et tu pleureras silencieusement.
    Alors que les étoiles se mêlent à la fine chute de pluie.

    Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    avant que Paris ne brûle, ne soit détruite,
    Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    Tant que mon coeur se pose sur ta branche,
    Il nous faudra passer par ces quais cette nuit de mai
    sous les saules, ma rose,
    les saules pleureurs, trempés.
    Il me faudra te dire les deux plus beaux mots de Paris,
    les plus beaux, les moins mensonger,
    Puis, en sifflotant quelque chose
    il me faudra, de Bonheur, mourir,
    et nous devrons croire les hommes.
    En haut des immeubles en pierre,
    sans coins, sans recoins
    adjacents, l’un à l’autre
    et leurs murs en clair de lune
    et leur fenêtres toutes droites somnolent debout,
    et sur l’autre rive, le Louvre,
    illuminé par des projecteurs ;
    il est illuminé pour nous
    Notre palais en cristal.

    Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    avant que Paris ne brûle, ne soit détruite,
    Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    Tant que mon coeur se pose sur ta branche.
    Cette nuit de mai, au quai, aux entrepôts
    Nous nous poserons sur les bidons rouges.
    En face, le canal s’écroule dans l’obscurité.
    Une péniche passe,
    Saluons là, ma rose,
    Saluons la péniche à la cabine jaune.
    Est-ce que son chemin l’amène vers la Belgique, les Pays-Bas ?
    À la porte de la cabine une femme avec un tablier blanc, elle sourit avec douceur.

    Tant qu’il est encore temps, ma rose,
    avant que Paris ne brûle, ne soit détruite,
    Tant qu’il est encore temps, ma rose…
    Parisiens, Parisiens
    Que Paris ne brûle pas, ne soit pas détruite…

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