Bruxelles/Washington. On a appris jeudi 11 avril que les pays européens se seraient mis d’accord à la presque unanimité sur la reprise des négociations commerciales avec les Etats-Unis 1. La Commission Européenne aurait la permission de poursuivre les deux mandats de négociation définis en janvier dernier : parvenir à une mise à bas des tarifs douaniers sur les biens industriels et à une meilleure lisibilité des normes touchant les biens et services.
Les discussions devraient donc commencer dès ce lundi 15 avril. Cependant, malgré les voeux pieux de Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au commerce extérieur, qui émettait le souhait en janvier que les négociations soient rapides 2, les européens ne sont qu’au début de leur peine.
D’abord, il faut être deux pour négocier et les Etats-Unis ne sont pas bien disposés à l’égard des Européens et trop occupés par les négociations avec la Chine. Cela n’a néanmoins pas empêché le président américain de twitter : le 9 avril, il a brandi la menace de nouveaux droits de douanes sur 11 milliards de produits européens 3.
Ensuite, le consensus n’est pas total en Europe, même si la majorité est bien en faveur de la reprise des discussions : la France s’y est opposé 4. La raison officielle est la suivante : les Français ne souhaitent pas la signature de nouveaux accords commerciaux avec les pays en dehors des accords de Paris, dont les Etats-Unis donc. Ils considèrent par ailleurs que ce serait un signe de faiblesse au moment où le partenaire américain semble plus belliqueux que jamais.
Les raisons officieuses sont peut être plus prosaïques : l’un des objectifs de la reprise des négociations est la levée des droits de douanes sur l’acier et l’aluminium européen et l’éloignement de la menace sur les automobiles exportées aux Etats-Unis. Or, la France, au contraire de l’Allemagne notamment, est peu exposée : d’après les données des douanes rassemblées par l’Observatoire de la Complexité Economique du MIT 5, les exportations françaises d’acier et d’automobile vers les Etats-Unis valaient moins de 500 millions de dollars en 2017. C’est une bouchée de pain comparée à l’Allemagne : elle a exporté pour 21,7 milliards de dollars de voitures aux Etats-Unis en 2017.
Ce que craignent probablement vraiment les français, c’est une offensive américaine sur l’agroalimentaire. Certains biens américains, comme le fameux boeuf aux hormones, sont interdits de vente en Europe. Les Etats-Unis pourraient ne pas se contenter des mandats européens et profiter des négociations pour exiger une ouverture du très protégé marché agroalimentaire européen.
Mais la posture française est peut être aussi politique : à l’heure où le protectionnisme est populaire et l’écologie au centre des préoccupations, cette prise de position sonne bien. Nathalie Loiseau, tête de liste de La République En Marche, le parti du président Emmanuel Macron, aux élections Européennes, n’a pas hésité à en profiter 6. À voir quelle sera la position française après les élections du prochain mai.
Perspectives
- Les négociations avec les Etats-Unis devraient commencer la semaine du 15 avril. La volonté Européenne est d’arriver à un accord rapide qui écarte le risque d’une guerre commerciale avec les Etats-Unis.
- Après l’accord d’un délai pour le Brexit, cette prise de position française marque l’énième rupture de la relation avec l’Allemagne.
- La réaction française à également l’odeur du coup politique parfait pour le parti du président français. Il faudra voir comment la position française évolue après les élections européennes.
Sources
- Phillip Blenkinsop, EU clears way for start of formal trade talks with U.S, Reuters, 11 Avril 2019.
- Hans Von Den Burchard, Malmström believes EU-US trade talks could be quick, Politico Europe, 18 Janvier 2019.
- Donald Trump, 9 Avril 2019 04:34, Heure de Paris, Twitter.
- ean-Baptiste Vey & John Irish, France to vote against opening of trade talks between EU and U.S. : Elysee official, Reuters, 11 Avril 2019.
- OEC – the Observatory of Economic Complexity, MIT
- Nathalie Loiseau, 11 Avril 2019 10:26, Heure de Paris, Twitter.