Rome. L’Istituto Ricerche Internazionali Archivio Disarmo (IRIAD) vient de publier un document sur le trafic d’armes légères et de petit calibre (SALW) dans la Méditerranée élargie, dans le contexte stratégique de la région  1. Le document souligne le rôle central des armes légères dans le trafic illégal, car elles ont une durée de vie plus longue et un faible degré de spécialisation. Le point essentiel est la centralité de la région, car elle est un carrefour naturel de routes d’exportation et de transit (Balkans), et d’importation et de destination (Europe occidentale et Moyen-Orient).

Les armes légères constituent la cause d’environ 80 % des violences perpétrées dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) au cours des 15 dernières années  2. L’artillerie légère est plus adaptée à une utilisation à long terme, en particulier par les jeunes et les factions qui ne sont pas spécialisées dans les tactiques de guerre. Le rapport définit la géopolitique du commerce illicite des SALW et la réalité de la Méditerranée comme un pont entre différentes routes. Trois axes principaux sont esquissés : les Balkans (des Balkans à l’Europe occidentale), l’Est élargi ( de l’Asie centrale à la Libye) et l’infra-MENA (de l’Iran jusqu’au Mali). Les difficultés méthodologiques concernent les cas de recyclage et de « réexportation » d’armes qui tendent à appartenir aux arsenaux des États et aux forces armées régulières.

Pour leur forte incidence dans les conflits, les armes légères ont été définies comme de “véritables armes de destruction massive” par Kofi Annan. Pourtant, les mesures en de l’ONU ont été peu nombreuses et stériles. Le registre des Nations Unies sur les armes conventionnelles n’est guère mis à jour avec des informations “sensibles” (l’Italie n’a pas mis à jour son registre depuis 2009), tandis que le Traité sur le Commerce des Armes (ATT) de 2014 est difficile à crédibiliser et à appliquer, étant donné le petit nombre de pays l’ayant ratifié. L’Union s’efforce de définir un programme de politiques susceptibles d’aboutir à une coopération accrue en matière d’élimination et de commerce des armes.

De même, ce sujet est une question sensible dans la diplomatie des États africains. Les organisations régionales africaines se sont mobilisées avec des accords-cadres pour la réglementation des SALW, mais on est encore loin de véritables programmes de coopération. Pendant la deuxième guerre du Congo, la Communauté de développement d’Afrique Australe (CDDA) a élaboré un protocole sur les armes à feu en 2001, qui a ensuite été repris dans deux documents ultérieurs à Nairobi et Kinshasa, pour ce qui concerne l’Afrique centrale et les Grands Lacs. Ces conventions ont créé un précédent pour la communauté du Sahel occidental dont l’organisation régionale, la CEDEAO, discute de la limitation des stocks d’armes dans la région, qui est le principal vecteur de militarisation en Libye et au Mali.  3. Avec l’aide des structures de l’Union Européenne et des missions de maintien de la paix des Nations Unies, la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) a réussi à mettre en œuvre et à poursuivre une partie des objectifs fixés dans la convention régionale sur les armes de 2006, à sensibiliser les civils aux risques des armes à feu et à établir un registre régional pour le commerce des armes  4. Ces mesures concernent la sphère économique de la guerre et du commerce des armes, la corruption dans ce secteur s’élevant à 20 milliards de dollars par an selon Oxfam. En 2016, l’Union africaine a mis en place un programme visant à “réduire les armes au silence”, notamment par l’intermédiaire d’une agence spécialisée qui devrait mettre fin au financement illicite. L’objectif est ambitieux, compte tenu du ralentissement du marché des armes en Afrique, qui favorise toujours le trafic illicite, véritable moteur des conflits sur le continent  5.

Perspectives :

  • Le marché des armes est une réalité géopolitique où les règles juridiques ne sont que partiellement respectées. Le document de l’IRIAD confirme la centralité des réseaux sociaux par rapport aux réseaux économiques. On ne vend pas des armes pour faire de l’argent, mais pour donner une projection géopolitique à sa diplomatie. Cela concerne également le phénomène de trafic illégal des SALW, qui affecte la possibilité de faire respecter les accords de paix et la médiation dans les contextes de crise (actuellement, en République centrafricaine et au Sud Soudan).
Sources
  1. Il traffico illecito di armi piccole e leggere nel Mediterraneo allargato, IRIAD Review, mars 2019.
  2. Il traffico illecito di armi piccole e leggere nel Mediterraneo allargato, IRIAD Review, mars 2019.
  3. VINES Alex, Combating Light Weapons proliferation in West Africa, The Royal Institute of International Affairs, Vol.81, mars 2005.
  4. OSARHIEME Benson Osadolor, The evolution of policy on security and defense in ECOWAS (1978-2008), Journal of the Historical Society of Nigeria, Vol.20, 2011.
  5. Il traffico illecito di armi piccole e leggere nel Mediterraneo allargato, IRIAD Review, mars 2019.