Bamako. ONG et reporters ont signalé une série de violences dans les régions de l’ouest et du centre du Mali, ravagées par un conflit civil sanglant depuis 2012. Ogossagou-Peul, dans la région de Mopti, à la frontière du Burkina Faso, est la ville la plus impliquée dans les affrontements1 . Plus de 160 victimes civiles ont été signalées dans cette région, à la suite des massacres et des assassinats qui ont eu lieu ces dernières semaines. Le Mali connaît une nouvelle phase de la guerre civile, avec les mouvements djihadistes limités à quelques enclaves et le multilatéralisme sahélien de l’Onu et du G5 comme toile de fond à un lent processus de stabilisation de l’État. La population civile joue un rôle central dans ce contexte2 .

Le 23 mars a eu lieu l’attaque la plus effrayante contre une communauté peul de la région de Mopti 3 . Certains reporters font état de 160 morts, un chiffre confirmé par l’Onu. Selon les experts, il s’agit de l’attaque la plus meurtrière subie par la population civile depuis le début des hostilités4 . La guerre civile au Mali a commencé avec la chute du régime Kadhafi en Libye, qui a provoqué le retour des communautés militarisées et idéologisées, qui ont pu conquérir au moins les 2/3 du territoire national. Le rétablissement de la stabilité n’a été possible qu’avec l’aide de la mission Minusma de l’Onu et de l’opération Barkhane de la France5 . L’impasse persiste au moins depuis l’accord de paix de 2015 : le processus de restauration de la centralité de l`État s’accompagne d’un travail de contrôle sécuritaire dans le nord et le long des frontières du Niger et du Burkina Faso. Ces derniers événements tragiques ont suscité des doutes sur la perméabilité des frontières et sur la structure de sécurité de Bamako. Ces événements ont eu lieu au cours d’une année pleine d’élections pour les membres du G5 du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie, Niger) qui sont contraints de concentrer leurs priorités sur la politique intérieure6 .

La société civile malienne joue le rôle le plus important dans la construction de l’État. La structure institutionnelle du pays, qui repose fortement sur la représentativité des régions, afin de tenter de rendre plus homogènes les disparités existantes entre les différentes réalités locales, est devenue la principale cause d’insécurité, avec la forte militarisation de l’État7 . C’est aussi pour cette raison que les forces armées maliennes sont perçues comme le symbole d’une structure fragile, encore trop liée au favoritisme et à la répression, alors que l’intervention internationale tend à avoir un impact positif pour la population8 . Les civils ont incontestablement souffert davantage des défis posés par la guerre, notamment en raison de la désertification, en particulier dans le sud, et de l’accaparement des terres, un phénomène facilité par la relation incontrôlée entre le secteur privé étranger et les institutions locales faibles9 . Un autre point de départ peut être l’émancipation des femmes, qui devient de plus en plus importante dans les processus de prise de décision concernant la mise en œuvre des piliers de l’accord de paix et la médiation entre les différents partis du pays10 . La définition d’un contexte de stabilisation unitaire pour l’ensemble du pays est cependant très difficile : une aide humanitaire plus marquée pour la nord (Tombouctou et Gao) et visant à la démilitarisation doit s’accompagner d’un nouveau “contrat social” et de développement pour le centre (Mopti) et d’ un programme d’infrastructures pour le sud (Bamako)11 . Les fondements de ces programmes visent à renforcer l’État à la veille des élections législatives.

Perspectives :

  • 30 juin 2019 : fin du mandat de la mission Minusma, qui mobilise environ 13 000 soldats.
  • Été-Automne 2019 : élections législatives et municipales au Mali, initialement prévues pour 2017.

Sources :

  1. UN to probe ‘horrific’ Mali attacks as death toll jumps to 160, AlJazeera, 26 mars 2019.
  2. GORMAN Zoe, Pursuing elusive stability in the Sahel, SIPRI, 26 mars 2019.
  3. Livre Blanc de la société civile pour la paix et la securité au Mali, SIPRI, janvier 2019.

Alessandro Rosa