Jérusalem. La reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Plateau du Golan par le président américain Donald Trump s’est concrétisée lundi 25 mars, à l’issue des négociations bilatérales avec Benjamin Netanyahou. En réaction, les Nations unies, de concert avec l’Union européenne, la Ligue arabe et d’autres États (dont la Russie, l’Iran et la Turquie), ont réaffirmé la valeur de la résolution 497/1981, qui établit l’inadmissibilité de l’acquisition par Israël du Golan et la nullité de toute imposition légale par Israël sur le territoire 1. Pour l’instant, la décision reste sur un plan purement politique, non formel, mais définit clairement deux perspectives à long terme et une à court terme.

Cette décision représente, d’une part, la preuve supplémentaire du passage de la méthode de règlement du conflit israélo-palestinien de la “solution à deux États” à la “solution à un seul État” ; d’autre part, il confirme l’intérêt américain à maintenir une zone d’influence en Syrie, même après la fin du conflit 2. Court terme, la déclaration doit certainement être évaluée comme une faveur électorale de la part de Trump à Netanyahu, dans la perspective des élections du 9 avril prochain.

Pour être réélu, le Premier ministre sortant devra d’abord faire face aux enquêtes judiciaires dans lesquelles il est impliqué dans la vente d’armes non autorisée à l’Égypte et dans le profit vraisemblablement obtenu par la vente de sous-marins et de navires de guerre à Israël et en Égypte 3. En outre, il devra faire face à la nécessité électorale de concilier, comme par le passé, les franges les plus extrêmes de son parti et les couches les plus conservatrices de la population : contrairement aux dernières élections, les premières semblent s’être renforcées, et les secondes ont adopté des positions plus strictes vis-à-vis des Arabes, en particulier des Palestiniens.

C’est dans ce cadre que s’inscrit la question du Golan, plateau aux frontières de la Syrie, d’Israël, du Liban et de la Jordanie, dont la valeur symbolique est capitale et multiple. Tout d’abord, il y a un Golan ethnique et religieux qui fait référence aux événements bibliques et historiques de la région. Selon la Bible, le territoire fut d’abord conquis par les Israélites, puis emporté par les Ituréens, descendants des Arabes libanais. Par la suite, le contrôle passa aux Byzantins, puis aux Ottomans et enfin aux Syriens, jusqu’à la guerre des Six Jours en 1967. Pour cette raison, le territoire est encore peuplé par différents groupes ethno-religieux : colons juifs, musulmans arabes et communautés druzes (musulmans et juifs).

Deuxièmement, il y a le Golan historique, celui de la victoire israélienne de 1967 et de la guerre avec la Syrie en 1974, qui a conduit à l’Accord sur la Séparation des Forces (31 mai 1974), un pacte qui définit une zone de séparation démilitarisée de 400 km2 entre les forces militaires israéliennes et syriennes. Avec la guerre en Syrie, le territoire a été placé sous armistice par les Nations Unies et est surveillé par la mission UNDOF (créée en 1974), soutenue militairement par les casques bleus 4.

Troisièmement, le Golan est stratégique d’un point de vue hydrographique et militaire 5. D’une part, plus de 50 % des réserves en eau de toute la région sont situées entre le lac de Galilée, le Jourdain et le Mont Hermon. D’autre part,le Golan a une très forte valeur militaire et défensive du fait de la plate-forme logistique naturelle qui s’étend du Mont Hermon au nord à travers les montagnes Hermonit et Bental au centre vers le mont Fares dans la partie sud de la région, qui permet de prévenir les attaques des deux côtés 6).

Perspectives :

  • Bien que le contexte régional et mondial actuel rende un conflit réel difficile, il est prévisible que tout au long de la semaine et jusqu’après les élections, la tension à Gaza et en Cisjordanie reste très élevée.
  • La situation économique avec la période de formation du gouvernement en Israël et le retour de la question du Golan aura certainement un impact important à la fois sur les résultats des élections (susceptibles de déplacer le gouvernement plus à droite) et sur les protestations de la “marche du retour” dans les territoires contestés.
  • La question du Golan sera probablement reportée après les élections. En attendant, il est possible que d’autres États reconnaissent la souveraineté d’Israël (la Roumanie, le Guatemala, le Brésil en premier lieu), mais en substance, les points cruciaux ne seront repris qu’à la fin du conflit syrien.
Sources
  1. ONU, UN Resolution 497/1981. 1981.
  2. FRANCHON Alain, Trump, le Golan et les Palestiniens, Le Monde, 29 mars 2019.
  3. HALBFINGER David M., Netanyahu Lands in U.S., but New Scandal Could Mar His Big Moment, The New York Times, 25 mars 2019.
  4. LUBELL Maayan, Explainer : What is the significance of the Golan Heights, Reuters, 21 mars 2019.
  5. ESHEL David, The Golan Heights : A vital strategic asset for Israel, Israel Affairs, 1997 3:3-4, 225-238, DOI : 10.1080/13537129708719438.
  6. BAR Joseph Uri, Israel’s Northern eyes and shield : The strategic value of the Golan Heights revisited, The Journal of Strategic Studies, 1998, 21:3, 46-66, DOI : 10.1080/01402399808437726.