Rabat. Au mois de février 2019, l’UMA fêtait ses 30 ans. L’organisation a vu le jour en février 1989. Son appel à candidature pour la construction d’une ligne ferroviaire reliant le Maroc à la Tunisie (2) a pour objectif de concrétiser les principes de cette union régionale. Cette organisation politique et économique regroupe les cinq pays du Maghreb : le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. À l’origine, l’Union du Maghreb arabe était censée assurer un début de prospérité économique pour la région. Mais aujourd’hui, trente ans ans plus tard, le constat est sans appel : l’UMA n’a réalisé aucun de ses objectifs. Le projet d’un réseau ferroviaire trans-maghrébin a ainsi pour objectif d’améliorer les liaisons régionales et de fortifier l’union politique.

Cette ligne est un sujet de discussion depuis les années 1990. Le projet voit le jour grâce à un don de la Banque Africaine de Développement. Malgré tout, les sommes récoltées pour le chemin de fer régional restent insuffisantes. Pour remédier au déficit économique, une campagne de promotion a d’ailleurs été lancée dans les trois pays concernés : elle va se poursuivre dans les mois qui suivent en Libye et en Mauritanie (1).

En réalité, la projet de l’UMA consiste surtout en la la réhabilitation d’un réseau ferroviaire de 363 km qui relie déjà le Maroc et l’Algérie, ainsi que de la ligne longue de 503 km reliant la Tunisie à l’Algérie. L’objectif de cette ligne transmaghrébine est de relier les trois pays sur 2350 km. Elle faciliterait les échanges commerciaux ainsi que le tourisme. La ligne ferroviaire serait capable en 2025 de transporter 4 689 personnes et 4 236 tonnes de marchandises. En 2017, le Secrétaire général de l’UMA, Taieb Baccouche, avait signé un contrat de 1 707 000 dollars avec un groupe de sociétés concernant le renouvellement des lignes de chemin de fer.

L’annonce par l’UMA d’une relance de ce projet ferroviaire intervient peu de temps après l’accident de train d’octobre 2018 qui a eu lieu entre Kénitra et Rabat. Il avait blessé 86 personnes et causé la mort de 6 autres. À la suite de ce drame, les critiques envers l’entretien des réseaux ferroviaires marocains ont poussé les autorités à accélérer l’aménagement du réseau férroviaire. L’activisme marocain pour la réalisation de cette ligne trans-maghrébine apparaît comme une opération de communication censée refléter l’efficacité de l’Union du Maghreb Arabe.

Mais, en l’état, la ligne ferroviaire ne peut se construire en raison de la paralysie dans laquelle se trouvent les relations entre le Maroc et l’Algérie. La frontière entre ces deux pays est fermée depuis 1994. Ce projet s’inscrit dans un contexte d’ouverture des autorités marocaines envers l’Algérie, Rabat souhaitant renouer le dialogue avec le voisin algérien. Mais il n’est pas certain que cette initiative diplomatique permette une relance des négociations, le traitement du Front Polisario par les parties prenantes demeure un objet de discorde depuis 1994.

L’appel du roi Mohammed VI, lancé pour le 43ème anniversaire de la Marche Verte, pour une réconciliation avec Alger semble être resté lettre morte (3). Malgré des discours favorables à l’intégration régionale, l’Algérie, et le Maroc, ne sont pas parvenus à dépasser leurs différends. Le blocage politique et diplomatique constitue une limite certaine à la réalisation de cette ligne ferroviaire transmaghrébine.

Ce climat tendu a déjà ralenti des projets précédents comme la construction d’une autoroute de 7000 km reliant Agadir au Maroc à Gabès en Tunisie. Elle est fonctionnelle depuis 2013 en Algérie et en Tunisie, mais elle n’est pas terminée au niveau des frontières marocaines et algériennes. De plus, la mobilisation populaire en Algérie contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika relègue encore un peu plus l’intérêt des autorités algériennes (mais aussi marocaines et tunisiennes) pour la ligne de chemin de fer régionale.P

Perspectives :

  • 28 mars : réunion en Tunisie des potentiels investisseurs pour la ligne ferroviaire.
  • Le Maroc et l’Espagne projettent de plus en plus de construire un tunnel de 38,7 km qui relierait les deux pays par le détroit de Gibraltar. Ce projet tout aussi ambitieux que la ligne transmaghrébine, demande une implication politique et financière des institutions marocaines et espagnoles à laquelle l’Union européenne devra également participer.

Sources :

  1. L’UMA veut lancer une ligne ferroviaire reliant le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, HuffPost Maroc, 4 février 2019.
  2. UMA, Appel à candidature internationale pour le Marketing et la publicité du chemin de fer Trans-Maghrébin.
  3. BOUSTANI Yannis, Mohammed VI tend la main à son voisin Algérien, La Lettre du Lundi, 18 novembre 2018.

Dina Saâda