La Havane. La Constitution cubaine de 1976 est entrée dans les annales de l’île des Caraïbes. Lors du référendum du 24 février, 6,8 millions de Cubains ont ratifié la nouvelle Constitution, ce qui représente 86,85 % du nombre total des citoyens âgés de plus de 16 ans inscrits sur les listes électorales. Environ 706 000 personnes ont voté pour le “Non”, soit 9 % du total des votes exprimés1. Bien que Cuba nous ait habitués à la grandiloquence de ses chiffres dans les processus électoraux, ce vote s’est déroulé dans un contexte de changement économique et générationnel qui a eu un impact certain sur le résultat final.

Le texte constitutionnel vise à devenir un acte plus formel d’application et de protection de la loi, mais il n’est pas exempt de lacunes avec de simples mentions de droits sans avancer dans leurs garanties. Deux mois se sont écoulés entre l’approbation nominale de l’Assemblée nationale en décembre 2018, lors de la deuxième session ordinaire, et la tenue du référendum. Durant cette période, en utilisant les moyens de communication traditionnels et, de manière inédite, les réseaux sociaux et autres espaces numériques officiels, le gouvernement cubain a mené une campagne pour le “Oui”, soutenue par les conquêtes historiques de la Révolution et la défense de la souveraineté et de la nation (#YoVotoSi, #SíPorLaRevolucion, #SomosContinuidad). La grande controverse sur les réseaux sociaux, à laquelle ont fait écho de nombreux médias et organisations d’opposition, ainsi que la presse internationale en général2, était aussi inédite, affirmant que l’ouverture numérique du pays a généré pour la première fois que des milliers de Cubains aient utilisé les réseaux sociaux pour exprimer leur mécontentement face au texte (#YoVotoNo, #NoAprueboElReferendo, #Ni1Más) et avec l’impossibilité d’exercer son vote de l’extérieur.

Quel est l’impact du texte final sur la politique nationale et la citoyenneté cubaine ? Dans le domaine social, la Constitution ne mentionne pas la société civile, la pauvreté ou les inégalités, ni l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En ce qui concerne le mariage pour tous, elle conditionne le droit à un référendum sur le Code de la famille dans deux ans et élimine définitivement la possibilité d’adoption pour les couples homosexuels3. Sur le plan politique, la création d’une Cour des garanties constitutionnelles ou d’un organe similaire, la reconnaissance du droit à l’investissement pour les nationaux, les droits des Cubains vivant à l’étranger, les libertés politiques et l’élection directe du Président de la République, entre autres, ont été supprimés du texte4.

Un élément positif est l’élévation au rang constitutionnel de la question de la violence de genre, ainsi que la pondération de la municipalité en tant qu' »unité politico-administrative primaire et fondamentale de l’organisation nationale » (article 168). D’une manière générale, le choix des modifications entre le projet de Constitution et le texte final soumis au référendum ne répondait pas aux critères de majorité, mais était laissé à la discrétion des membres de la commission de rédaction. Ce type de procédure ternit et remet en cause l’importance que le pays attache à la participation citoyenne dans la prise de décision.

Perspectives

  • La nouvelle Constitution élargit et améliore la formulation de certains droits, mais leur réaffirmation dépend de futures lois. Apparemment, le référendum sera plus assidûment utilisécomme un mécanisme de participation. Cependant, du point de vue de la théorie politique, cela ne devrait même pas être le terme utilisé, mais plutôt celui de plébiscite pour désigner les actes promus par l’exécutif ou le législatif.
  • Avec l’extension de 300 points Wifi à travers le pays et l’insertion progressive de la population dans le cyberespace, la population entre dans une ère numérique « plus démocratique », qui va diversifier l’accès à d’autres sources d’information non officielles. Reste à évaluer l’impact de ces ressources sur la pression citoyenne pour la réaffirmation des droits et une plus grande transparence institutionnelle.