La Haye. Royal Dutch Shell peut se réjouir : l’entreprise vient d’être été classée première mondiale en termes de dividendes distribuées en 2018, avec 15,65 milliards de dollars, soit une augmentation de 9,3 pour cent en un an (2), devant Apple (13,77 milliards) et Exxon Mobil, la major pétrolière américaine (13,68 milliards). À plusieurs égards, la stratégie du groupe énergétique est ambitieuse : l’entreprise vise une réduction de 50 pour cent de son empreinte carbone nette d’ici à 2050, et l’instauration d’objectifs intermédiaires annuels à compter de 2020. De même, et comme le groupe Total, Shell étend ses ambitions carbone au « scope 3 », soit aux émissions indirectes de l’entreprise dans ses activités de production (fret en amont et en aval de la production, déplacements des employés, bilan carbone des immobilisations et des achats du groupe).
La major, créée en 1907, est parmi les plus volontaristes du secteur en matière de performance environnementale, sans pour autant renoncer à la production de pétrole et de gaz, son cœur de métier historique. La réduction de son empreinte carbone nette passe par exemple par des investissements dans le secteur des renouvelables, comme en témoigne l’annonce faite mi-février du projet d’acquisition du fabricant de batteries allemand Sonnen, une start-up dont Shell est déjà actionnaire depuis plusieurs mois (1).
La tendance chez les majors européennes est globalement à la diversification des activités et à l’anticipation de profonds changements dans les modes de consommation d’énergie. L’acquisition en 2018 par BP de Chargemaster, fabricant d’infrastructures de recharge de véhicules électriques (3), et l’annonce il y a quelques jours d’une association entre Total (via sa filiale Saft), Siemens, Solvay et Manz dans le domaine des batteries stationnaires (5), soulignent le réel optimisme des industriels vis-à-vis de la mobilité individuelle électrique. Plus encore, ces acquisitions stratégiques démontrent la volonté de ces groupes de se mettre durablement à l’abri de l’incertitude quant à l’évolution de l’usage du pétrole, qui voit de plus en plus de substituts le menacer et compromettre son attractivité à long terme.
Shell est depuis plusieurs années dans le viseur des ONG environnementales, dont certaines ont menacé d’attaquer le groupe en justice en 2019 s’il ne s’aligne pas avec les objectifs de l’Accord de Paris (4). Si Shell fait le pari, pour l’instant réussi, de concilier croissance du groupe et acquisitions « vertes », il semble plus difficile de convaincre l’opinion publique de la vertu réelle de ces entreprises, directement liées, du fait de leurs activités d’exploration-production, à une grande partie des émissions de gaz à effet de serre. Harry Brekelmans, directeur Projects and Technology, a affirmé à ce titre que Shell « aspirait à des améliorations opérationnelles », tout en prévenant qu’il y avait « des limites à ce que l’on peut faire » (6).
Perspectives :
- Suivre le développement du projet de filière européenne de fabrication de batteries électriques, porté par la France et l’Allemagne, auquel Total pourrait participer via sa filiale Saft.
Sources :
- Shell rachète le fabricant allemand de batteries Sonnen, Connaissance des Energies & AFP, 15/02/2019.
- HOSKING P., Shell leads the pack as dividends reach unsustainable record high, The Times, 18/02/2019.
- Voiture électrique : BP rachète Chargemaster, Le Figaro & AFP, 28/06/2018.
- Climat : des ONG néerlandaises menacent d’attaquer Shell en justice, Le Monde de l’énergie & AFP, 13/02/2019.
- Saft s’allie à Solvay, Siemens pour développer la batterie du futur, Les Echos & Reuters, 22/02/2019.
- Shell eyes limit how clean oil output can be, WorldOil, 18/02/2019.
Clémence Pèlegrin