Phnom Penh. Le 11 Février, l’Union Européenne (UE) a lancé une procédure de sanctions économiques à l’encontre du Cambodge (1). C’est une étape importante dans la diplomatie économique européenne. Il s’agit d’exclure ce pays d’Asie du Sud-est de l’accord EBA (“Everything but Arms”), qui permet aux pays les moins développés (selon les critères des Nations-Unies) de bénéficier auprès des pays de l’UE de conditions d’échanges exceptionnelles : aucun droits de douane ni quota.
Seulement, l’accès à l’EBA est conditionné au respect de la convention des Nations Unies sur les droits de l’Homme. C’est à ce titre qu’en février 2018, les ministres des affaires étrangères européens avaient déjà prévenu le régime cambodgien (3) que si des efforts conséquents n’étaient pas mis en place, des sanctions seraient à envisager : “le Conseil rappelle que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris le droits du travail, constitue un élément essentiel de la politique commerciale de l’UE et étaye l’octroi des préférences commerciales.”
Le Premier ministre cambodgien Hun Sen dirige le pays depuis 1985 et son parti détient tous les sièges de l’Assemblée nationale. De nombreux prisonniers politiques sont encore derrière les barreaux et les droits de l’opposition ne sont pas toujours respectés (2).
Un an après, les efforts cambodgiens sont jugés insuffisants. Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Étrangères, a déclaré : “Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons assisté à la détérioration de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de l’État de droit au Cambodge.” L’Europe est donc prête à donner suite à l’avertissement donné en février 2018 en excluant le Cambodge de l’EBA.
Mais ce n’est pas encore fait, loin de là : depuis le 12 février dernier, le Cambodge est entré dans une période d’inspection de son processus démocratique et institutionnel de la part de l’UE qui durera 6 mois. Elle sera suivie par une autre période de la même longueur afin d’écrire le rapport qui mènera oui ou non à l’exclusion du Cambodge de l’EBA. Rendez-vous donc en février 2020.
L’Union européenne avance à petits pas sur le chemin des sanctions mais son arme principale est la dissuasion : en visant le Cambodge, elle a visé un pays dont les États membres de l’UE sont les premiers partenaires commerciaux (45 % des exportations en 2018, dont 94.5 % sous le régime EBA) (2). L’exclusion de l’EBA paraît donc le meilleur moyen de faire pression efficacement sur Phnom Penh et d’assurer un galop d’essai sans accroc pour la diplomatie économique européenne.
Perspectives :
- 12 juillet 2019 : fin de la période d’inspection de l’UE.
- 12 février 2020 : publication du rapport concernant la situation au Cambodge. À partir de là, les différents États membres s’exprimeront pour ou contre l’exclusion du Cambodge.
- 12 juillet 2020 : mise en place d’éventuelles sanctions. Une période de sursis de 6 mois est prévue entre la décision et son application.
Sources :
- Commission européenne, Cambodia : EU launches procedure to temporarily suspend trade preferences, communiqué de presse du 11 février 2019.
- Commission européenne, EU triggers procedure to temporarily suspend trade preferences for Cambodia, 11 Février 2019.
- Commission européenne, OUTCOME OF THE COUNCIL MEETING, p.9, 26 février 2018.
Cyprien Batut