Washington. Le 5 février dernier s’est tenu le discours habituel sur l’état de l’Union (4), le message annuel que le président américain prononce devant le Congrès. Ce message est un devoir présidentiel, comme le prévoit l’article II de la Constitution américaine.

Au fil des ans, le discours sur l’état de l’Union abrégé en SOTU – State of the Union Address) a été utilisé non seulement pour informer sur la situation du pays, mais aussi – et surtout – pour communiquer le programme présidentiel et les décisions particulièrement importantes. Par exemple, pendant le Sotu de 2003 – celui qui fut le plus suivi à la télévision de toute l’Histoire des États-Unis, avec plus de 62 millions de téléspectateurs – le président Bush a exposé les raisons de sa décision de faire la guerre à l’Irak.

Le discours de cette année, le troisième le plus long jamais prononcé, s’est déroulé dans un climat particulièrement tendu. Initialement prévu pour le 29 janvier, il a été reporté en raison du shutdown partiel du gouvernement fédéral, ce qui a encore durci les relations entre démocrates et républicains. Devant près de 47 millions de téléspectateurs (1), le président américain a abordé de nombreuses questions, sans oublier le message principale de son discours : “I am asking you to choose greatness”, “Je vous demande de choisir la grandeur.”

Suivant l’exemple des discours précédents, Trump a essayé d’adresser un message dépassant les clivages : “L’agenda que j’expose ce soir n’est ni un agenda républicain, ni un agenda démocrate : c’est l’agenda du peuple américain.” Car, sur certaines questions, il existe un consensus général sur la nécessité d’une intervention fédérale. Par exemple, un plan capable de renouveler une partie de l’infrastructure américaine délabrée ne peut plus être reporté. La Présidente a également appelé à soutenir les luttes communes, telles que la lutte contre le sida, la lutte contre le cancer et la baisse du prix des médicaments. Et il a salué comme un grand succès l’entrée en vigueur, en décembre, d’une réforme du système pénitentiaire américain – le First Step Act – soutenue par les deux parties.

Trump a toutefois soulevé un certain nombre d’autres questions au sujet desquelles il semble difficile, à l’heure actuelle, de trouver un accord. Il a demandé qu’il soit mis fin, par exemple, aux « enquêtes partisanes », en faisant clairement référence à l’enquête dirigée par le procureur spécial Mueller. Il a également souligné son hostilité à l’immigration clandestine et la nécessité de construire un mur à la frontière avec le Mexique, l’une de ses principales promesses électorales, à laquelle les démocrates restent nettement opposés. Trump a également mené une dure attaque contre la nouvelle loi approuvée par l’État de New York qui autorise l’avortement jusqu’au neuvième mois si la santé psychophysique de la femme est en danger. En réponse, le président américain a demandé l’adoption d’une loi visant à prévenir l’avortement dans les dernières semaines de la grossesse. Il a également souligné sa volonté d’empêcher l’instauration du socialisme aux États-Unis et sa satisfaction d’avoir mis fin à l’accord avec l’Iran et reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël. Une autre critique portait sur l’incapacité des représentants du peuple américain : selon Trump, ils n’ont pas été capables, ces dernières années, de lutter efficacement contre les pratiques commerciales chinoises jugées déloyales, signant au contraire des accords commerciaux qui ont affaibli la classe ouvrière américaine.

Le discours a globalement séduit les citoyens américains. Selon CNN, 76 % ont approuvé la prise de parole de Donald Trump, tandis que seuls 23 % n’en étaient pas satisfaits. Parmi les démocrates, 30 % ont apprécié son discours ; un chiffre qui monte beaucoup plus haut chez les indépendants (82 %) et les républicains (97 %) (3). Même sur les questions plus polémiques, le président a particulièrement bien réussi : en matière d’immigration, par exemple, 72 % des auditeurs ont soutenu les idées présentées par Trump (2).

Perspectives :

  • Le ton du SOTU, plus conciliant que les déclarations habituelles de Donald Trump, n’a pas réussi à masquer les fractures profondes dans la société américaine. Au contraire, de nombreuses parties du discours – avortement, énergie, politique étrangère, immigration, fiscalité – montrent à quel point les oppositions entre démocrates et républicains sont presque irréconciliables. Il y a deux visions très différentes de ce qu’a été, est et devrait être l’Amérique et l’affrontement de ces deux visions ne semble pas destiné à prendre fin dans les mois à venir.
  • Toutefois, sur certaines questions, les deux parties peuvent – ou doivent – parvenir à un accord. Le système d’infrastructure américain, par exemple, exige une intervention décisive, qui ne peut plus être reportée. Sur des questions limitées, l’accord ne peut donc pas être exclu.
  • Les démocrates tenteront de capitaliser sur leur position en vue des élections présidentielles de l’année prochaine. Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre, livrera certainement bataille au président, une bataille qui s’intensifiera à l’approche de 2020. Si les deux premières années de Trump ont vu l’affrontement entre les deux camps qui animent la politique américaine, alors il est légitime de prévoir que la situation ne changera guère durant les deux prochaines années.

Sources :

  1. Nearly 47 Million Viewers Watch President Trump’s State Of The Union Address, Nielsen, 6 février 2019.
  2. SCHWARTZ Ian, CBS News Instant Poll : 72 % Approve Of Trump’s Immigration Ideas, RealClearPolitics, 5 février 2019.
  3. SCHWARTZ Ian, CNN Instant Poll : 76 % Of Viewers Approved Of Trump State Of The Union, RealClearPolitics, 5 février 2019.
  4. TRUMP Donald, State of the Union Address, 5 février 2019.

Simone Zuccarelli