Mountain View. Google est déterminé à s’opposer à la version actuelle du projet de directive européenne Copyright. Le 7 février, son vice-président “Affaires Globales”, Kent Walker a présenté un nouvel argument qui souligne en même temps la force de frappe du géant américain.

Outre l’article 13 sur le filtrage en amont des contenus mis en ligne, l’article 11 est au centre des controverses : il imposerait aux plateformes qui relaient des extraits d’articles de presse (et un lien vers leur version complète) de rémunérer le site qui en est l’auteur. Les compagnies technologiques rejettent cette règle au motif qu’elle les ferait payer pour un service qu’elles-mêmes rendent aux éditeurs de contenus informatifs, à savoir attirer les lecteurs sur leur site.

Courant janvier, Google a appliqué ces règles à titre expérimental sur certains de ses résultats de recherche en Europe : pour éviter les droits d’auteur, l’entreprise a réduit l’information présentée à l’internaute sur chaque article, parfois de façon radicale (ni titre, ni image, ni extrait), parfois en conservant certains de ces composants.

Conséquence : la fréquentation des sites d’information s’est trouvée fortement réduite. Selon Google, qui ne manque pas d’instruments de mesure, cette baisse atteint 45 % lorsque les aperçus n’étaient pas dégarnis à l’extrême. La compagnie indique également que les utilisateurs ont alors poursuivi leur navigation sur d’autres sites non journalistiques (2).

Ce tour de force démontre plusieurs choses. D’abord, de façon ouverte et explicite, il nous rappelle à quel point Google est capable non seulement de suivre avec précision les comportements des utilisateurs en ligne, mais aussi de les orienter. Ensuite, c’est l’équivalent de l’usage de l’artillerie lourde : comme son recours aux techniques classiques de lobbying auprès des institutions européennes n’a jusque-là pas porté ses fruits sur ce sujet précis, l’entreprise a décidé de donner une leçon de pratique. Mais s’agit-il seulement de faire comprendre les effets non désirés d’une telle législation ou bien, au-delà, de rappeler l’étendue du pouvoir dont elle dispose ?

Perspectives :

  • 11 février : après un premier report de dernière minute fin janvier, début du trilogue entre la Commission, le Conseil de l’UE et le Parlement Européen pour arriver à un accord sur une version commune du texte
  • Fin mars ou début avril : vote du Parlement et du Conseil sur un éventuel texte commun, dans l’idée de clore ce dossier avant les élections européennes de mai.
  • Entretemps, on peut s’attendre à ce que Google intensifie sa pression, y compris en rappelant la possibilité de retirer son service d’actualités du marché de l’UE, comme il l’a déjà fait en Espagne (1)

Sources :

  1. 1
  2. 2

Barthélémy Michalon

Sources
  1. SOLTON Samuel, Copyright could force us to pull out of EU, Google News boss says, Euractiv, 11 décembre 2018.
  2. WALKER Kent, Now is the time to fix the EU copyright directive, The Keyword, Google, 7 février 2019.