Washington. Le shutdown partiel de l’administration fédérale américaine est en cours depuis près d’un mois, obtenant le triste record du shutdown plus long que l’histoire des États-Unis. Jusqu’à présent, aucune tentative pour sortir de l’impasse n’a abouti, les parties (le Président Trump et les républicains d’un côté, les démocrates de l’autre) étant toujours divisées par le « mur » que le président voudrait construire à la frontière avec le Mexique.

Le 8 janvier dernier, le président Trump a prononcé un discours public dans lequel il a mis en évidence des chiffres et statistiques concernant les crimes et délits commis à la frontière mexicaine, afin de tenter de convaincre le pays de la qualité de son projet. Peu après, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le sénateur Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate du Sénat, ont tenu un contre-discours dans lequel ils accusaient le président de tenir en otage les employés fédéraux américains pour construire un « mur » qui, comme plusieurs fois promis par Trump lui-même, devait initialement être payé par le Mexique, mais sera probablement financé par les fonds fédéraux.

Le lendemain, Trump a rencontré Pelosi et Schumer dans le bureau ovale pour tenter de résoudre la situation. Cependant, les demandes des deux représentants démocratiques et la fermeté de Trump sur la question du « mur » ne permettaient pas de mettre un terme au conflit. Dans les jours qui ont suivi, la possibilité pour le gouvernement fédéral de déclarer l’état d’urgence a été évoquée, condition qui permettrait au président de contourner le consentement du Congrès et d’ordonner au département de la Défense d’allouer des fonds pour la construction du « mur » à la frontière (7). L’hypothèse est assez controversée du point de vue juridique : selon de nombreux experts, le choix constituerait une violation des règles constitutionnelles, devenant également un dangereux précédent. Cependant, l’entourage du président a calmé le jeu, certaines sources proches de la Maison Blanche ayant déclaré que Trump était prêt à attendre sans envisager la possibilité d’activer l’état d’urgence (5).

La situation reste toutefois tendue : mardi 15 janvier, Donald Trump avait organisé un déjeuner avec certains membres de l’opposition pour résoudre le différend, une invitation à laquelle aucun démocrate n’a répondu (2). Le discours habituel du président sur l’état de l’Union pourrait également être menacé : la Présidente de la chambre, Nancy Pelosi, a mis en exergue les risques pour la sécurité causés par le blocus, des agences telles que les services secrets et le département de la sécurité nationale étant sérieusement affectées et, partant, incapables de gérer efficacement un tel événement (6). Et comme si cela ne suffisait pas, la longue période de crise aggrave l’image de Trump aux yeux des Américains : de nombreux sondages montrent que la population américaine considère le président comme le principal responsable de cette crise institutionnelle (1).

Du point de vue économique, la situation n’est pas meilleure. Selon une analyse du New York Times (3), environ 800 000 travailleurs fédéraux ne reçoivent pas leur salaire. Selon les estimations des journaux, chaque travailleur a perdu en moyenne 5 000 dollars de salaire. À cela s’ajoute le fait que beaucoup de travailleurs n’ont pas assez d’économies pour rester sans salaire pendant plus d’un ou deux mois (4).

Perspectives :

  • La solution au shutdown ne semble pas être proche : les parties sont particulièrement distantes et aucune ne semble vouloir céder de terrain. Cependant, si le blocus devait se poursuivre au-delà du mois de janvier, la situation pourrait se transformer en cauchemar pour Trump, avec des dommages économiques croissants et une baisse de popularité.
  • Une solution pourrait être de séparer la question du « mur » de l’approbation du budget fédéral et de voter ultérieurement sur le projet relatif à la frontière. Cependant, Trump et les républicains ne semblent pas disposés à accepter une telle proposition, compte tenu de la majorité démocrate à la Chambre des représentants et, par conséquent, de la très grande difficulté de faire adopter par la suite une loi permettant le début de la construction du « mur ».
  • Parallèlement, la possibilité pour le gouvernement fédéral de déclarer l’état d’urgence est pour le moment tenue à distance, mais le président a déjà déclaré que l’option restait sur la table.

Sources :

  1. CLEMENT Scott, BALZ Dan, Americans blame Trump and GOP much more than Democrats for shutdown, Post-ABC poll finds, The Washington Post, 13 janvier 2019.
  2. JORDAN Fabian, WONG Scott, Democrats turn down White House invitation for shutdown talks, The Hill, 15 janvier 2019.
  3. PATEL Jugal K., A Typical Federal Worker Has Missed $5,000 in Pay From the Shutdown So Far, The New York Times, 16 janvier 2019.
  4. MOORE Lela, ‘One Paycheck, Maybe Two’ : Federal Workers Tell Us How Long They Can Live Without Wages, The New York Times, 10 janvier 2019.
  5. WAGNER John, WERNER Erica, PALETTA Damian, DAWSEY Josh, Trump backs off national emergency to build border wall as shutdown becomes longest ever, The Washington Post, 12 janvier 2019.
  6. WERNER Erica, COSTA Robert, WAGNER John, Pelosi asks Trump to postpone State of the Union address because of shutdown — or deliver it in writing, The Washington Post, 16 janvier 2019.
  7. WERNER Erica, DAWSEY Josh, DEBONIS Mike, KIM Seung Min, Trump administration lays groundwork to declare national emergency to build wall, The Washington Post, 10 janvier 2019.

Francesco Generoso