Washington. L’administration Trump a décidé de rétrograder le statut diplomatique de l’Union Européenne à Washington, sans en faire part aux principaux intéressés. L’ambassadeur de l’UE aux États-Unis, David O’Sullivan, a appris le changement le 5 décembre lors des funérailles du président George H.W. Bush. À cette occasion, au lieu d’être appelé dans l’ordre auquel il était habitué au cours des deux dernières années – c’est-à-dire avec les autres ambassadeurs des délégations des États présents à Washington et selon l’ordre d’ancienneté -, il a été appelé en dernier (3).

Bien que l’Union soit considérée comme une « organisation internationale » sur la liste diplomatique américaine, sa délégation est traitée depuis 2016 comme si elle appartenait à un État, suite des pressions exercées par Bruxelles sur l’administration Obama. Avant ce changement, l’ambassadeur de l’Union était appelé immédiatement après les homologues appartenant aux délégations des États. En effet, le protocole diplomatique américain stipule : « Un chef d’une organisation internationale […] devrait être considéré comme équivalent à un chef d’État ou à un chef de gouvernement, mais devrait être énuméré par ordre de priorité après tous les représentants officiels des nations souveraines. » (4).

Même si, comme le rappelle John Burton, ancien ambassadeur de l’UE à Washington, cette décision est avant tout symbolique (2) et n’est pas fondamentalement erronée, car l’UE est bien une organisation internationale et non un État, cette décision a engendré un fort ressentiment à Bruxelles. Ainsi, 58 députés européens ont critiqué la décision américaine dans une lettre : « Ils fustigent l’UE en tant que bureaucrates, ne cachent pas leur préférence pour traiter bilatéralement avec les gouvernements des États membres et ont loué les mouvements populistes et nationalistes » (1). Un autre motif de contrariété est la manière dont la décision a été prise. De fait, les États-Unis n’ont pas informé la représentation européenne à l’avance. Dans la forme, ce n’est certainement pas un geste diplomatique.

Quelles que soient les motivations liées au protocole, la décision a une valeur politique forte. C’est un symbole clair de l’approche de l’administration Trump vis-à-vis de Bruxelles. Le président américain n’a jamais caché sa préférence pour le dialogue bilatéral et son ennui vis-à-vis de l’Union, une organisation qu’il a attaqué plusieurs fois – notamment pour des questions liées au commerce – la définissant comme un concurrent ou même un ennemi. En outre, la vision trumpienne est étroitement liée au concept d’État-nation. En effet, pour Trump, « l’État-nation reste la véritable base du bonheur et de l’harmonie. Je suis sceptique quant aux organisations internationales qui nous contraignent et entraînent l’Amérique vers le bas « (5). Nouvelle confirmation de l’approche adoptée à l’égard de l’Union.

Perspectives :

  • La décision inattendue de l’administration Trump n’aura pas d’impact significatif sur les relations entre l’Union européenne et les États-Unis, car les intérêts communs seront toujours placés au premier plan.
  • La décision indique toutefois clairement que l’accord avec l’Union européenne reste improbable. Il sera difficile de prévoir une détente dans les mois à venir, sauf dans le cas où Bruxelles décide de satisfaire au moins certaines demandes américaines en matière de commerce et de politique étrangère.
  • L’avenir du Royaume-Uni sera également plus clair dans les mois à venir. Une plus grande implication américaine en faveur de Londres ne peut être exclue.

Sources :

  1. EU lawmakers decry Washington downgrading of EU ambassador, DW, 8 janvier 2019.
  2. FIORENTINO Michael-Ross, MURRAY Shona, Former EU ambassador to US says downgrade is symbolic but warns of Trump’s ideologies, Euronews, 11 janvier 2019.
  3. GAUETTE Nicole, Trump administration snubs EU with diplomatic downgrade, CNN, 9 janvier 2019,
  4. Gouvernement américain, The Order of Precedence of the United States of America, 2017.
  5. Trump’s Washington foreign policy speech, Reuters, 27 avril 2016.

Simone Zuccarelli