Bottrop. Le 21 décembre dernier, le président allemand Frank-Walter Steinmeier a reçu des mains d’un mineur le dernier bloc de houille miné en Allemagne lors d’une cérémonie solennelle dans cette petite ville du bassin de la Ruhr en Rhénanie du Nord-Westphalie1. Avec la fermeture de la dernière mine de charbon du territoire, ce sont 200 ans d’histoire industrielle et sociale qui se tournent. Face à un parterre de personnalités du monde politique et économique (comprenant notamment Jean-Claude Juncker et le ministre-président du Land, Armin Laschet), le président fédéral a parlé d’un « jour de deuil » pour les mineurs et le pays tout entier. Désormais la consommation allemande de houille sera entièrement importée, que ce soit pour les aciéries ou pour la production d’électricité (en 2018, le charbon a représenté 13 % de la production totale d’électricité).

Dans le même temps, la part de l’ensemble des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique et biomasse) dans le mix électrique allemand a dépassé pour la première fois la barre symbolique des 40 %, soit 219 térawatts/heure2. Il y a dix ans ce taux de renouvelable dans l’électricité produite était seulement de 16,2 %. Grâce à un été 2018 particulièrement ensoleillé, la production d’électricité solaire a connu une croissance de 16 %. Contrairement à beaucoup d’idées reçues, le réseau électrique allemand exporte à l’étranger. En 2018, 45 térawatts/heure – qui ont rapporté au pays 1,8 milliards d’euros – ont été envoyés vers les Pays-Bas, l’Autriche, la Suisse, etc. Cependant, le charbon reste encore la principale source d’électricité en Allemagne, avec 131,3 térawatts/heure, bien que sa part recule chaque année. Ainsi tout triomphalisme reste exclu en Allemagne, où une énergie extrêmement polluante occupe encore et pour longtemps la première place.

L’image renvoyée par l’Allemagne au tournant de l’année est donc celle d’une économie au milieu du gué de la transition énergétique, qui commence à porter ses fruits. Pour comparaison, et malgré une programmation décrite en 2015 comme « la plus ambitieuse d’Europe” par la ministre de l’environnement d’alors, Ségolène Royal, la France n’envisage atteindre le seuil de 40 % d’électricité renouvelable qu’en 20303.

En 2018, les énergies renouvelables ont représenté 18 % du mix énergétique français selon des chiffres de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). L’agence, dirigée par Arnaud Leroy, un proche du président Macron, s’est adonnée à des estimations très ambitieuses, simulant un mix électrique comprenant 85 % d’énergies renouvelables en 2050. En 2018 cependant, le nucléaire produit toujours 72 % de l’électricité française4.

Perspectives :

  • La sécurité énergétique est plus que jamais une thématique européenne. En une période de controverses animées autour de la politique énergétique, la campagne européenne à venir pourrait aussi se saisir du débat autour de la production de l’électricité à l’échelle du continent. En effet les plans du gouvernement allemand visant à garantir la sécurité d’approvisionnement du pays en cas d’aléas climatiques affectant la production de renouvelables relèveraient selon une étude d’un syndicat de producteurs électriques d’une erreur d’appréciation. Berlin se reposerait en effet sur des estimations erronées de la surcapacité énergétique des centrales électriques de ses voisins au sein du marché intérieur5.

Pierre Mennerat