Berlin. En septembre et octobre 2019 auront lieu dans trois Länder de l’ex-RDA la Saxe, le Brandebourg et la Thuringe des élections régionales sous haute tension. Il faut dire que ces trois États-régions de la République fédérale sont ceux où l’Alternative für Deutschland (AfD), parti néo-nationaliste, anti-immigration et radicalement anti-Merkel qui a émergé dans le sillage de la crise migratoire de 2015, obtient ses meilleures scores dans les sondages, entre 20 et 25 %1 . L’AfD pourrait même terminer en tête dans un ou plusieurs de ces Länder, une première pour un parti d’extrême-droite en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2016, deux autres régions de l’Est, la Saxe-Anhalt et le Mecklembourg, avaient déjà plébiscité les néo-nationalistes, leur accordant respectivement 24,3 % (deuxième place devant la SPD) et 20,8 % (deuxième place devant la CDU) des suffrages exprimés. Si, traditionnellement, les partis extrémistes voire néo-nazis trouvaient depuis l’Unité allemande de 1990 un terreau politique plus favorable dans l’Est du pays, des succès d’une telle ampleur sont récents.

Mais plus qu’un choc symbolique, c’est un chaos institutionnel durable qui menace dans ces trois régions. Avec les résultats favorables qu’y obtient le partie Die Linke (« La Gauche », GUE/NGL), autour de 20 %, les radicaux des deux bords réunissent désormais localement de l’ordre de 45 % des suffrages. Dans un système parlementaire et proportionnel comme celui des États-régions allemandes, la formation d’un gouvernement disposant d’une majorité au parlement exigera une coalition très large de tous les partis du centre-gauche au centre-droit. Ainsi, d’après les derniers sondages en Thuringe, le lendemain des élections du 27 octobre prochain devrait voir se former, dans la douleur, une « Très Grande Coalition » mêlant socio-démocrates, libéraux, verts et chrétiens-démocrates, seule à même de porter au pouvoir une majorité stable. Une situation inédite et propice à l’instabilité, qui pourrait menacer la région d’ingouvernabilité alors que les scores des deux grands partis chrétien- et social-démocrate y seront probablement historiquement faibles, à 23 % et 13 % selon une récente étude INSA.

Car c’est bien une recomposition du paysage partisan à l’Est du pays que viendront couronner ces scrutins mouvementés : des partis de masse affaiblis, une gauche radicale se maintenant à un niveau élevé, et une croissance forte de l’extrême-droite dont les perspectives restent cependant difficiles à prévoir. Au bipartisme classique né de l’après-guerre tend à se substituer un quadripartisme relativement équilibré entre deux partis centristes, un parti de gauche radicale et un parti néo-nationaliste. Une tendance qui apparaît comme partiellement idiosyncratique lorsqu’on considère la situation dans les Länder de l’Ouest, où les Verts tendent à s’imposer au centre-gauche et où les pertes infligées par l’AfD au centre-droit sont loin d’être aussi considérables ; mais qui n’en menace pas moins les équilibres parlementaires locaux et annonce pour l’après-Merkel une période de Grandes coalitions contraintes par la montée des extrêmes, bien loin de l’idéal de différenciation que d’aucuns espèrent tirer du renouvellement des acteurs.

Sources :

  1. CANTOW Matthias et al., Sonntagsfrage – Umfragen Landtagswahlen, Wahlrecht.de.
Sources
  1. CANTOW Matthias et al., Sonntagsfrage – Umfragen Landtagswahlen, Wahlrecht.de.