Genève. Les Conférences Mondiales des Radiocommunications (CMR) ont lieu tous les quatre ans et amendent le Règlement des radiocommunications, traité international d’une importance majeure dans les domaines économique (5G, Internet des Objets), des transports (GPS/Galileo, systèmes de détresse et de sécurité), scientifique (Agence Spatiale Européenne) ou encore militaire (satellites de communications ou d’observation, radio).

Pour cette CMR de 2019,  l’enjeu1 sera en particulier de concilier des besoins civils inextinguibles (téléphonie mobile en particulier), porteurs de développement économique rapide et considérable – d’autant qu’avec la 5G et l’Internet des Objets, l’enjeu est de moins en moins le consommateur et de plus en plus l’outil industriel, avec des besoins militaires (programmes d’armement à long terme, emploi dans des environnements contraints nécessitant des bandes de fréquences optimisées) ou scientifiques (programme Copernicus de l’agence spatiale européenne) qui ont d’une part des impacts économiques de beaucoup plus long terme, et d’autre part mais surtout des implications stratégiques majeures.

Ces sujets sont par ailleurs cruciaux pour l’égalité d’accès à l’information et aux opportunités économiques à travers le monde : si dans les pays développés l’usage de la fibre optique pour le raccordement à Internet se généralise, dans de nombreuses régions du monde ce seront la téléphonie mobile ou des systèmes satellitaires ou à haute altitude (ballons ou drones) qui fourniront des connections. La pression politique et économique en faveur du domaine civil est d’autant plus forte.

Si ces conférences se tiennent dans un cadre ONUsien selon le strict principe « un État, une voix », elles ont donné lieu à une unification précoce de la voix européenne2 avec la création dès 1949 de la CEPT (Conférence Européenne des Postes et Télécommunications, 48 pays membres) et en 2002 du RSPG (Radio Spectrum Policy Group, pays membres de l’Union). Pour comparaison, le SEAE (Service Européen pour l’Action Extérieure) a été créé seulement en 2010. Les sphères d’influence (Afrique francophone notamment) sont également fortement mobilisées.

D’autres acteurs, comme l’OTAN (simple observateur dans les CMR), sont directement intéressés par ces questions, afin de pouvoir intervenir, en coalition, partout sur la planète : les initiatives structurantes, en cours de lancement, que constituent PCN (Protected Core Network) et surtout FMN (Federated Mission Network), visent à mutualiser les moyens de télécommunications de toutes les nations de l’OTAN pour les mettre au service d’une mission conjointe (il s’agit notamment de prendre en compte le retour d’expérience de l’intervention en Afghanistan), et auront un impact majeur sur les futurs systèmes de communication des nations impliquées. En sens inverse, des programmes européens existants, comme la forme d’onde ESSOR, pourront également contribuer à la définition de la cohérence globale.

Au delà de ces aspects radioélectriques, qui constituent les « couches basses » de l’informatique, c’est-à-dire absolument nécessaires mais non suffisantes, les systèmes d’arme du futur seront de plus en plus numérisés. Ceci qu’il s’agisse de leur conception ou de leur production (doubles numériques des systèmes), de leur soutien (HUMS : Health and Usage Monitoring System), ou encore et surtout du cœur de leurs mission.

Les capacités de partage d’information sur le terrain dépendent elles-mêmes de capacités plus générales, qui sont de long terme et génératrices d’immenses volumes de données, notamment relatifs à l’environnement (météo, hydrologie). Face à la masse de ces données, l’usage du Cloud (stockage) et du Big Data (traitement) sont amenés à se généraliser. Le domaine des télécoms, historiquement porté par les développements militaires, est déjà de plus en plus tributaire des avancées civiles. Il en ira de même pour les données massives, où les applications civiles ont généré des avancées technologiques considérables.

L’intelligence artificielle sera utilisée dans le traitement de ces données massives mais également au plus près du combat, au sein des systèmes d’arme, comme aide à la décision. Des travaux sont déjà en cours3 , afin d’orienter les futurs programmes d’armement en coopération européenne4 . La question de l’articulation de l’intelligence artificielle avec la décision humaine reste entière.

Perspectives :

  • Exercice OTAN CWIX 2019 (premier test “à l’échelle” des concepts FMN) 5.
  • 28 octobre -22 novembre 2019 : Conférence Mondiale des Radiocommunications 2019, Genève.

Sources :

  1. Agence Nationale des Fréquences, Grands dossiers d’actualité : CMR-19.
  2. NATO ACT Capability Development Division, TIDE Sprint – Fall 2018, 8 octobre 2018.
  3. LE PESTEUR Jean-Pierre, Fréquences et souveraineté (pages 22-23), Magazine des Ingénieurs de l’Armement n°110, octobre 2016.
  4. LEROY Erwan, Vers la création d’un complexe militaro-industriel européen ?, LLDL 31 décembre 2018.
  5. Thales & Dassault Aviation, Vers le développement d’un système aérien cognitif, mars 2018.
Sources
  1. Agence Nationale des Fréquences, Grands dossiers d’actualité : CMR-19.
  2. LE PESTEUR Jean-Pierre, Fréquences et souveraineté (pages 22-23), Magazine des Ingénieurs de l’Armement n°110, octobre 2016.
  3. Thales & Dassault Aviation, Vers le développement d’un système aérien cognitif, mars 2018.
  4. LEROY Erwan, Vers la création d’un complexe militaro-industriel européen ?, LLDL 31 décembre 2018.
  5. NATO ACT Capability Development Division, TIDE Sprint – Fall 2018, 8 octobre 2018.