Karachi. Deux policiers et deux ressortissants chinois civils venus effectuer des démarches administratives ont trouvé la mort le 23 novembre. Trois hommes armés ont tenté de prendre d’assaut le bâtiment du consulat de Chine à Karachi, mais ont été abattus par les forces de sécurité sans parvenir à y pénétrer (1).

L’attaque a été perpétrée par l’Armée de Libération Baloutche (ALB). Mouvement indépendantiste d’un groupe ethnique présent au Pakistan – dans la province du Baloutchistan, au sud-ouest du pays – mais aussi en Iran et en Afghanistan, il conteste la présence chinoise dans le pays. En effet, le Pakistan est une terre d’investissements importants pour le géant chinois, dont le CPEC – China-Pakistan Economic Corridor – est la colonne vertébrale. Infrastructures de transports, coopération agricole, énergétique… un projet global qui ambitionne de générer un rayonnement positif sur toute l’aire régionale avoisinante (2).

Plus concrètement, la position stratégique du Pakistan est un atout pour la Chine. C’est une ouverture sur l’océan indien et sur le Moyen-Orient. Une « perle » précieuse du collier qu’elle s’applique à fabriquer jusqu’en Europe, la fameuse voie maritime de la Belt and Road Initiative. Le port de Gwadar, le plus fréquemment cité lorsque l’on évoque les investissements chinois au Pakistan, a d’ailleurs été annoncé comme potentielle seconde base militaire chinoise en dehors de ses frontières – la première étant localisée à Djibouti – mais est par ailleurs l’unique port en eau profonde du pays (3). Mais le Pakistan est aussi un point stratégique en ce qui concerne la voie terrestre de la BRI, plus délicate à mettre en place en raison des nombreux territoires qu’elle doit parcourir à travers l’Asie centrale et l’Europe.

Le port de Gwadar, passé de petite enclave de pêcheurs à centre d’un projet de corridor économique à 62 milliards de dollars (3), appartient à la province du Baloutchistan. Il cristallise donc à la fois la coopération sino-pakistanaise et les failles sécuritaires qui se font de plus en plus profondes à mesure que l’influence chinoise et sa diaspora grandissent. L’ALB considère la présence chinoise comme menant à un pillage et à une exploitation des ressources locales ne bénéficiant pas au peuple (4). Actuellement, on estime que 20 000 chinois sont présents sur le territoire, dont environ la moitié sur le projet CPEC (5). Par ailleurs, le CPEC se développe à travers des territoires litigieux comme le Cachemire et le Gilgit-Baltistan, soulevant ainsi une opposition indienne (3).

Mais au-delà du Pakistan, le Ministère des Affaires étrangères chinois estime que 100 millions de chinois voyagent chaque année à travers le monde (5). La question s’élargit ainsi invariablement, et devra être prise en compte par Pékin. Des tensions que provoque l’expansion chinoise, dans un contexte où la menace terroriste, d’un genre inconstant nouveau, est de plus en plus présente.

Perspectives :

  • 2020 : le plan de court terme du CPEC prévoit que le projet commencera à avoir un impact positif sur la croissance économique à la fois du Pakistan et de la Chine.
  • 2025 : le plan de moyen terme du CPEC prévoit que le projet aura quasiment achevé ses principales structures industrielles.
  • 2017-2030 : le plan de long terme du CPEC pour son achèvement quasiment total.

Sources :

  1. AHMAD Meher, MASOOD Salman, Chinese presence in Pakistan is targeted in strike on Consulate in Karachi, The New York Times, 23 novembre 2018.
  2. Site officiel du CPEC.
  3. HUANG Kristin, Pakistan attacks expose China’s Achille’s heel on international stage, The South China Morning Post, 3 décembre 2018.
  4. KANWAL Gurmeet, Pakistan’s Gwadar port : a new naval base in China’s string of pearls in the Indo-Pacific, CSIS, 2 avril 2018.
  5. Pakistan : Le Consulat de Chine de Karachi attaqué par des hommes armés, RFI et AFP, 23 novembre 2018.

Jessy Périé