Bruxelles. La recommandation On the international role of the euro in the field of energy (1) publiée le 5 décembre comporte deux volets : le premier s’adresse aux États membres, le second aux acteurs du marché de l’énergie. Comme premier message, la Commission recommande aux États membres de promouvoir l’utilisation de l’euro dans leurs accords commerciaux énergétiques avec les pays tiers. Elle demande tout particulièrement d’inclure une clause d’utilisation de l’euro comme monnaie par défaut dans chaque accord. La Commission vise à garantir l’application de cette disposition en émettant une opinion défavorable à chaque nouveau traité qui n’inclurait pas cette clause.

Dans le deuxième volet, Bruxelles recommande aux participants du marché de l’énergie de faire usage de contrats physiques et dérivés libellés en euros. En premier lieu le texte publié suggère aux entités publiques de stockage d’énergie, en charge des réserves d’urgence, de traiter leurs opérations en euros. Il demande aussi aux agences spécialisées du marché de l’énergie d’émettre des prix de référence en euros. Enfin, selon la Commission, les entreprises de services financiers devraient faire usage de contrats libellés en euros, sur les marchés primaires et secondaires.

Cette recommandation est le premier pas vers une politique volontariste de renforcement de l’euro lancée par Jean-Claude Juncker dans son dernier discours sur l’état de l’Union du 12 septembre 2018 (2). Cette politique active fait suite aux sanctions mises en place par les États-Unis en Iran, qui ont forcé les entreprises européennes à se retirer du marché iranien. La Commission entreprend de cibler le secteur stratégique de l’énergie, qui est l’une des principales causes du monopole du dollar dans le système international de paiement.

En effet, l’importation d’énergie est une question cible pour la politique extérieure de l’Union, qui importe 90 pour cent de ses besoins en pétrole et 70 pour cent de ses besoins en gaz. Parmi les partenaires principaux, on peut compter la Russie (34 pour cent), le Moyen-Orient et l’Afrique (33 pour cent) et la Norvège (20 pour cent) contre seulement 2 pour cent importé des États-Unis (3). Pourtant, entre 80 et 90 pour cent des contrats de l’Union concernant l’approvisionnement en énergie ne sont pas libellés en euros, mais en dollars. C’est la conséquence du fait que les prix de références publiés par les agences spécialisés sont libellés en dollars : ainsi, les contrats issus des plateformes européennes d’échange de gaz, bien que libellés en euros, sont majoritairement indexés sur des contrats libellés en dollar.

Les buts visés par la recommandation sont, premièrement, de réduire les risques de change et les coûts de couverture face à ces risques pour les entreprises européennes. Le financement des entreprises de l’Union sera ainsi plus stable et plus efficace. Deuxièmement, il s’agit de réduire le risque induit par une initiative juridique unilatérale d’un pays tiers, comme celle menée par les États-Unis en Iran. La recommandation du 5 décembre vise, dans ce contexte, à garantir l’indépendance et la stabilité des sources d’approvisionnement d’énergie de l’Union dans le long terme.

Perspectives :

  • Il est probable que le premier volet porte ses fruits et que les contrats commerciaux avec la Russie, le Moyen-Orient et l’Afrique ainsi que la Norvège soient renégociés à terme. L’euro devrait retrouver un équilibre plus favorable par rapport au dollar, ce qui ferait de la monnaie européenne une alternative crédible sur les marchés financiers.
  • Cette politique volontariste de promotion de l’euro doit toutefois être d’ampleur si elle se fixe pour objectif d’inciter les institutions du marché de l’énergie à utiliser effectivement l’euro comme unité de compte.

Sources :

  1. Commission européenne, Recommandation du 05/12/2018.
  2. JUNCKER Jean-Claude, Discours sur l’État de l’Union, 12 septembre 2018.
  3. Eurostat, From where do we import energy and how dependent are we ?.

Nicolas Gérard