Asmara. Le 14 novembre, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a levé le régime de sanctions contre l’Érythrée, établi par la résolution 1907 de 2009 (4). Les sanctions, qui concernaient essentiellement l’embargo sur les armes, ont été levées afin de permettre au régime érythréen de s’intégrer dans l’ordre géopolitique régional, jetant les bases d’une réforme radicale du régime d’Isaias Afwerki, au pouvoir depuis 1993. C’est une date historique, car elle permet à Asmara de différencier ses relations politiques et économiques, devenant un centre potentiel d’investissement entre l’Afrique et la péninsule arabique (1). Le chemin reste cependant encore long, si l’on considère que le dossier érythréen est fortement lié à celui de la Somalie (2).

Les sanctions contre l’Érythrée ont été approuvées en raison des accusations jamais pleinement démontrées portées contre Asmara, soupçonnée de soutenir Al-Shabaab – et également en raison des nombreuses milices présentes en Somalie (4). En outre, les différends frontaliers avec Djibouti et l’Éthiopie, qui n’ont été réglés qu’en septembre 2018 (avec deux traités de paix distincts, les 9 et 16 septembre), ont pesé lourd. La levée des sanctions est importante pour la réintégration d’Asmara dans l’ordre géopolitique de la Corne de l’Afrique, réduisant en partie le soft power des pays de la péninsule arabique (1). Asmara a établi des relations diplomatiques fructueuses avec les pays du Golfe, notamment sur le plan militaire, avec des exercices des forces du Conseil pour la Coopération du Golfe dans le cadre du conflit au Yémen. Dans le même temps, la présence de troupes qataries (en particulier à la frontière avec l’Éthiopie et Djibouti) a démontré la présence politique urgente des acteurs du Moyen-Orient dans le scénario érythréen-éthiopien. Depuis 1993, année de sa fondation, l’Érythrée est le symbole de l’indispensable pont géopolitique de la Corne de l’Afrique dans les relations entre le continent africain et le Moyen-Orient. La levée du régime de sanctions soulève deux questions importantes : le changement de régime, en termes de pluralisme politique et de respect des droits de l’homme, et l’embargo sur les armes imposé à la Somalie (2).

La pacification des relations avec l’Éthiopie et Djibouti n’a pas entraîné de changements substantiels au régime érythréen, où le service militaire obligatoire est toujours en vigueur et où les mouvements d’opposition, encore peu organisés, n’ont pas de légitimité légale venant des institutions nationales (3). Malgré la perception d’un pays très fermé sur le monde (alors que la population a pourtant accès à l’information en matière de politique étrangère), il subsiste une série indéniable de problèmes qui sont fortement liés aux flux migratoires vers la Méditerranée (1). Le principal problème semble être le manque de volonté politique pour une réforme de la lutte pour le pouvoir, avec un changement radical de leadership, comme ce fut le cas en Éthiopie. Selon de nombreux analystes, il semble y avoir un manque d’élan de la part de la jeunesse, ce qui ajouterait au malaise social lié aux mouvements d’émigration illégale (5).

La ligne de l’Union veut que l’Erythrée soit une simple source de réfugiés, mais pour l’ordre régional, le régime Afwerki est bien plus que cela. La fin du régime de sanctions marque le début d’une phase diplomatique qui sera axée sur la gestion de la question somalienne en 2019. L’Onu a confirmé l’embargo sur les armes à destination de Mogadiscio, pour limiter le flux d’armes vers les milices de Al-Shabaab, stationnées dans le sud, et pour faciliter la formation des forces armées somaliennes (3). Le principal problème dans ce contexte est le manque d’interaction entre la politique de l’Onu et la ligne de la mission Amisom de l’Union africaine, dont le mandat expire l’année prochaine. L’Onu semble vouloir donner une place centrale aux dynamiques régionales, afin de renforcer le processus de construction de l’État dans un contexte où d’importants domaines de gouvernance ont été restaurés (3). Le désarmement, la diplomatie et l’aide humanitaire d’urgence seront les points centraux de la résolution de la crise somalienne, mais de nombreux points restent sans solution. Il est difficile d’établir, en effet, si l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti seront disposés à accorder une unité nationale et territoriale au peuple somalien.

Perspectives :

  • 2019 : Dans le cours de l’année prochaine, un sommet conjoint devrait être organisé entre l’Éthiopie, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie pour discuter de la situation à Mogadiscio.
  • 31 mai 2019 : Fin du mandat de l’Amisom en Somalie. Un premier retrait des forces est prévu pour la fin de février.

Sources :

  1. HAINZL Gerald, Aspettando gli Europei l’Eritrea fa affari con il Golfo, Limes-Rivista italiana di geopolitica, novembre 2017
  2. UN lifts sanctions on Eritrea, but keeps Somalia arms embargo, The New York Times, 14 november 2018
  3. UMAROV Kairat, Letter dated 7 November 2018 from the Chair of the Security Council Committee pursuant to resolutions 751 (1992) and 1907 (2009) concerning Somalia and Eritrea addressed to the President of the Security Council, UN Security Council, 9 november 2018.
  4. UN Security Council, Resolution 1907 (2009), 23 décembre 2009
  5. ZERE Abraham T, The lifting of the UN sanctions will not solve Eritrea’s problems, AlJazeera, 19 novembre 2018

Alessandro Rosa