El-Hamam. Dans le nord-est de l’Égypte, plus précisément dans le gouvernorat de Matrouh, les exercices militaires conjoints prévus ont été organisés du 3 au 16 novembre par les forces terrestres, navales et locales de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis (Eau), du Koweït, de Bahreïn, de l’Égypte et de la Jordanie. Les opérations se sont déroulées sur la base militaire Mohammed Naguib – la plus grande installation du Moyen-Orient – et ont également impliqué des troupes marocaines et libanaises en tant qu’observateurs. Ces simulations de war games, dans le cadre de l’opération “Arab Shield 1”, pourraient, selon de nombreux analystes, représenter le premier véritable pas vers le projet officieusement appelé “Otan arabe” (2).

Une suggestion, ou plutôt un modèle de coopération politico-militaire au Moyen-Orient, ouvertement parrainée par la présidence Trump et soutenue publiquement par le commandant en chef de la Maison Blanche lors de son premier voyage à l’étranger en mai 2017. L’administration Trump soutient en effet la nécessité de créer une convergence d’intérêts plus large entre les États-Unis (et Israël, leur partenaire historique) et les principaux acteurs arabes régionaux, construisant ainsi une sorte de pacte stratégique avec des acteurs locaux qui partagent les mêmes objectifs à moyen et long termes. L’entité, provisoirement connue sous le nom d’Alliance stratégique pour le Moyen-Orient (MESA), a parmi ses objectifs la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme islamistes, ainsi que – et peut-être en particulier – la lutte contre l’Iran, comprise comme une force agressive et anti statu quo dans un futur Moyen-Orient (5).

Le projet Mesa confirme donc la volonté des États-Unis de restaurer leur rôle central dans la région par le biais d’une approche d’offshore balancing, dans laquelle Washington utilise les puissances régionales qui lui sont fidèles pour contraster/contrôler d’éventuels changements de registre ou de rapports de force dans cette région. Une politique qui n’est pas nouvelle et qui rappelle en quelque sorte la “stratégie à deux piliers” de l’ère Nixon, lorsque l’Arabie saoudite et l’Iran, au début des années 70, étaient alliés et gardiens de l’ordre moyen-oriental imposé par les États-Unis dans la région depuis l’après deuxième guerre mondiale (3).

Toutefois, cette proposition n’est pas nouvelle dans l’histoire du Moyen-Orient. En effet, la première tentative de création d’une Otan au Moyen-Orient a été la création de l’Organisation du Traité du Moyen-Orient (Meto), également connue sous le nom de Pacte de Bagdad (1955), qui a ensuite été rebaptisée Organisation du Traité central (Cento), dissoute en 1979. De plus, au cours des dernières années du mandat d’Obama, l’administration américaine a été confrontée à deux propositions distinctes d’architecture supranationale pour la sécurité au Moyen-Orient, représentées par la “Force islamique”, un bloc militaire de pays sunnites dirigé par l’Arabie saoudite et largement opérationnel dans le conflit yéménite, et l’idée égyptienne – immédiatement détruite – de l’“United Arab Force”, soit une force militaire arabe commune globalement semblable au projet actuel soutenu par les États-Unis (4).

Cette question se poserait à nouveau dans la lutte contre le terrorisme : sans une définition ou une reconnaissance unique de ce qu’est ou n’est pas le terrorisme, les pays membres de cette alliance pourraient juger opportun de frapper un groupe plutôt qu’un autre. Enfin, se posent des questions politiques d’une importance non négligeable, étant donné que seules l’Égypte et la Jordanie ont reconnu Israël en signant un traité de paix, alors que pour les monarchies du Golfe, il est difficile de dire jusqu’où elles veulent aller pour normaliser leurs relations diplomatiques au niveau officiel avec Tel Aviv. En même temps, reconnaître Israël en termes de défense mutuelle expose tous les pays arabes à affronter leur opinion publique sur divers conflits, à commencer par le conflit israélo-palestinien, dont la portée serait presque définitivement réduite à une simple question interne à Israël. Une autre considération est celle de l’indépendance, c’est-à-dire comment cette prétendue alliance pourrait réellement défendre les intérêts locaux ou régionaux du groupe et non les intérêts divergents d’un seul acteur et/ou des États-Unis (1).

Perspectives :

  • De ce fait, il reste de nombreux obstacles à la création d’une force arabe commune. Toute architecture de sécurité régionale ne sera couronnée de succès que si les objectifs, les priorités et les intérêts communs à défendre sont clarifiés dès le départ.
  • L’affaire Khashoggi et, en général, les trop nombreuses fausses mesures prises par l’Arabie saoudite ces derniers temps ont mis à l’épreuve les liens entre Riyad et Washington, au point que divers conseillers du président Trump lui-même ont douté du projet et, surtout, de la haute valeur géostratégique de la monarchie saoudite au Moyen Orient. Bien que des doutes subsistent, les deux pays sont déterminés à suivre une voie commune en matière de sécurité dans un esprit anti-iranien.

Sources :

  1. CAFIERO Giorgio, BIANCO Cinzia, “Arab Shield 1” : The birth of an Arab NATO ?, Middle East Institute, 13 novembre 2018.
  2. Egyptian-Arab forces launch ‘Arab Shield 1’ joint drills, Daily News Egypt 4 novembre 2018.
  3. FARID Sonia, ‘Arab Shield 1’ drills and the future of military alliances in the Middle East, Al-Arabiya English, 12 novembre 2018.
  4. GORVETT Jonathan, ‘Arab NATO’ faces challenges, question marks, Asia Times, 14 août 2018.
  5. Il existe une abondante documentation sur le concept d’offshore balancing et de son application dans le contexte de la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient. Pour quelques lectures à cet égard : J.J. Mearsheimer & S.M. Walt (2017), “The Case for Offshore Balancing”, Revue internationale et stratégique, 2017/1 (No 105), pp. 18-33 ; C. Layne (1997), “From Preponderance to Offshore Balancing : America’s Future Grand Strategy”, International Security, Volume 22 | Issue 1 | Summer 1997, pp. 86-124 ; R. Pape (2006), “Soft Balancing against the United States”, International Security, Volume 30 | Issue 1 | Summer 2005, pp.7-45 ; G.J. Ikenberry, S. Walt & C. Lydon (2007), “Offshore Balancing or International Institutions ? The Way Forward for US Foreign Policy : A Debate at the Watson Institute for International Studies 8 May 2007”, The Brown Journal of World Affairs, Vol. 14, No. 1 (Fall/Winter 2007), pp. 13-23 ; C.H. Kohl & M. Lynch (2013), “US Strategy after the Arab Uprisings : Toward Progressive Engagement”, The Washington Quarterly, 36(2), pp. 39-60.

Giuseppe Dentice