Washington. L’économie a ses raisons que la politique ne connaît point. Comme l’a révélé le Center for Responsive Politics (CRP), la majorité des fonds investis dans la campagne des midterms par des entreprises allemandes présentes aux États-Unis est allée à des comités d’action politique qui soutenaient des candidats du parti de Trump (3). Douze des dix-sept entreprises allemandes ayant participé financièrement à la campagne ont versé plus de 50 pour cent de leurs donations au Grand Old Party. La part des donations allemandes dans le total des sommes versées aux comités de soutien reste très modeste (2,6 millions d’USD sur 4,7 milliards investis pendant la campagne). On retrouve par exemple parmi les bienfaiteurs le groupe multinational de chimie BASF, suivi de près par Deutsche Telekom. Chacune de ces entreprises a par l’intermédiaire de ses filiales américaines distribué plus de 600 000 USD, majoritairement au bénéfice de candidats du parti au pouvoir. La raison de ce soutien est sans doute à chercher du côté de la politique fiscale très avantageuse menée par la majorité républicaine. Cependant les constructeurs automobiles allemands, régulièrement visés par le locataire de la maison blanche, sont largement absents de cette liste, à l’exception de l’équipementier Schäffler et de Daimler (qui n’a versé qu’un tiers de sa modeste contribution au bénéfice de candidats républicain).

Mais, alors qu’une victoire des démocrates était considérée par la majorité des commentateurs allemands comme une chance de revenir à une relation apaisée avec le principal allié militaire du pays (5), le milieu économique a majoritairement fait le choix de soutenir la majorité sortante d’un président qui a violemment attaqué l’Allemagne depuis 2016 (4). Pour ne nommer que quelques épisodes des deux années passées, la critique du déséquilibre commercial qui s’est manifestée par des réactions épidermiques, la volonté répétée du président américain de négocier des accords commerciaux séparément avec chacun des États membres de l’Union, l’augmentation forcée des budgets militaires des États membres de l’OTAN, l’accusation de dépendance face au gaz russe, ou encore les relations personnelles glaciales entre la chancelière Merkel et le président Trump ont laissé des traces indélébiles dans l’esprit des dirigeants allemands habitués à une relation transatlantique très étroite et amicale.

Pourtant, le gouvernement allemand a jusqu’ici favorisé une politique de conciliation. En mai 2018, le ministre de l’économie Peter Altmaier a oeuvré, avec la commissaire au commerce extérieur Cecilia Malmström, pour exempter l’Europe et l’Allemagne des droits de douane imposés par le gouvernement américain (1). L’intérêt allemand semble de négocier avec Donald Trump plutôt que de chercher la confrontation commerciale. Les piliers de l’économie allemande s’accommodent depuis deux ans de la gouvernance républicaine, malgré la violence verbale devenue habituelle. En outre les cadeaux fiscaux du président Trump et la croissance à court terme qui en découle continueront de bénéficier aux entreprises allemandes dans les mois à venir (2).

Perspectives :

  • 30 novembre 2018 : Sommet du G20 à Buenos Aires.
  • La croissance allemande a été revue à la baisse pour l’année 2018 à environ 1,6 % du PIB au vu des risques de guerre commerciale avec les Etats-Unis.

Sources :

  1. Handelsstreit : Altmaier sucht Deal mit den USA, Der Spiegel, 28/05/2018.
  2. IVANOVITCH, Michael, “US keeps cutting large checks to China, Japan and Germany”, CNBC, 5/11/2018.
  3. MANDRELLA, Peter, “German companies favored Trump party in midterm election donations”, Handelsblatt Global, 7/11/2018.
  4. MÜNCHRATH, Jens, “Europe’s wishful thinking for US midterm elections is delusional”, Handelsblatt Global, 6/11/2018.
  5. SCHÜTZ, Simon, “Zwischenwahlen in den USA : Was die US-Wahl für Deutschland bedeutet”, Bild, 07/11/2018.

Pierre Mennerat