Francfort. La banque d’investissement Stiefl a officialisé mardi l’acquisition de la banque Allemande Mainfirst (4). Mainfirst est spécialisée dans les activités de courtage et de gestion d’actifs. Ce qui a motivé cette acquisition est, de l’aveu même des responsables des deux banques, l’imminence du Brexit. Mainfirst possède en effet une licence bancaire allemande et permettra à Stiefl de continuer ses opérations sur les marchés européens.

Il n’y a eu que peu de mouvements similaires en Europe pour l’instant, mais le rapprochement de la date fatidique du Brexit pourrait accélérer la tendance. Les banques étrangères auparavant basées en Angleterre vont chercher à se relocaliser sur le continent. Le 30 août dernier (5), Felix Hufeld, le président de la BAFIN, l’autorité allemande de régulation financière a indiqué que 25 demandes de licences bancaires étaient en cours. Cet été, c’étaient BlackRock, JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup et surtout HSBC qui annonçaient l’expansion de leurs activitées à Paris (3).

Une division assez claire s’est d’ores et déjà établie : à Paris les plus grandes banques d’investissement et à Francfort ou Dublin celles de moyennes et petites tailles. L’Allemagne et l’Irlande seront donc probablement concernées dans les mois qui viennent par de nouvelles opérations étrangères de fusions et acquisitions venant d’institutions financières sans base continentale pour l’instant.

L’Europe continentale n’est pas la seule à être touchée. Depuis 2 ans, les opérations de fusion et acquisition ont explosé outre-Manche (3). L’année 2017 a été une année record en terme de nombre d’opérations et elles ont dépassé en valeur au 1er trimestre 2018 leur niveau de 2007. Il s’agit principalement d’opérations de consolidation qui ne se limitent pas au secteur financier. Face à l’incertitude grandissante entourant le Brexit, les entreprises anglaises ont réagi en augmentant leur part de marché pour se préparer aux turbulences à venir.

Le Brexit a donc pour l’instant entraîné une restructuration des secteurs économiques en Europe. Une ouverture sans précédents du secteur financier sur le continent et au contraire un mouvement de concentration Outre-Manche.

Ceci n’aurait pas été possible sans les attitudes respectives des régulateurs des deux entités. D’un côté, les régulateurs financiers Européens ont accueilli les banques étrangères à bras ouverts et on fait certaines concession (2). De l’autre, les Britanniques, notamment sous l’impulsion de Theresa May dés 2016, ont renforcé le contrôle des opérations étrangères (1). L’échec l’année dernière de l’OPA hostile de 143 milliards de dollars (qui en cas de succès aurait été le second plus grand rachat de l’histoire) de l’américaine Kraft sur la néerlando-anglaise Unilever en est symptomatique. Ce commencement de protectionnisme, grâce à un endettement facile (les taux directeur de la Banque d’Angleterre sont bas), a permi aux entreprises anglaises de renforcer leur présence sur le marché national.

L’île Britannique se renferme un peu sur elle-même.

Perspectives :

  • On peut s’attendre à plusieurs acquisitions étrangères dans un futur proche en Europe en anticipation du Brexit.
  • Vis à vis de la relocalisation des opérations financière en Europe, il semble que Paris attire les plus grandes banques d’investissements mais que l’Europe du Nord ne soit pas en reste du côté des plus petits acteurs étrangers.
  • Les grandes entreprises britanniques se sont plutôt engagées dans des opérations de consolidation sur le marché national. Cette tendance pourrait continuer si le régulateur britannique le permet et que l’incertitude augmente.

Sources :

  1. BUTLER Sarah, Government backs tighter rules on takeover of UK companies, The Guardian, 20 Septembre 2017.
  2. JENKINS Patrick, MORRIS Stephen, Paris set to triumph as Europe’s post-Brexit trading hub, Patrick Jenkins and Stephen Morris, 30 Septembre 2018.
  3. MARTIN Ben, Britain shrugs off Brexit to enjoy boom in dealmaking, Reuters, 29 Mars 2018.
  4. SCHUETZE Arno, Stifel buys Germany’s Mainfirst Bank to prepare for Brexit, Reuters, 6 Novembre 2018.
  5. SIMS Tom, Regulators could bring in emergency measures in a hard Brexit : German market watchdog, Reuters, 30 Août 2018.

Cyprien Batut