Ottawa. Le 25 octobre, la commissaire européenne chargée du Commerce Cecilia Malmstrom a appelé de concert avec douze autres responsables internationaux à une réforme de l’OMC (1).

Pour rappel, l’Organisation Mondiale du Commerce est une organisation qui promeut l’ouverture commerciale entre pays par l’abaissement des barrières tarifaires et non-tarifaires aux échanges. Les pays membres de l’OMC (164 en 2018) acceptent de commercer entre eux selon un socle minimal de règles. L’OMC est aussi et surtout un lieu de négociation commerciale et un organisme de règlement des différends commerciaux. À bien des égards, l’OMC est l’emblème de la libéralisation des échanges commerciaux depuis les années 90.

Pourquoi réformer celle qui aura 24 ans le 1er janvier prochain ? Car sa légitimité est attaquée : ses deux membres les plus importants, la Chine et les États-Unis, se livrent une guerre commerciale qui met à l’épreuve la raison d’être de l’institution.

Les tarifs américains sur l’acier et l’aluminium mis en place cet été ont entraîné pas moins de sept demandes d’arbitrage à l’OMC (2), du jamais vu. La Chine et la Russie sont bien sûr de la partie mais aussi des alliés proches des Américains tel que le Canada, le Mexique et l’Union. L’ambassadeur américain à l’OMC, David Shea, a invité les Européens à reconsidérer leur demande d’arbitrage : “Nous voulons encourager les pays européens à examiner soigneusement leurs intérêts économiques, politiques et sécuritaires plus larges”.

Le problème réside aussi dans la justification juridique américaine vis-à-vis du tarif sur l’acier. La délégation américaine invoque une question de sécurité nationale : cet argument se situerait donc en dehors de la juridiction de l’OMC. L’exception de sécurité nationale n’est que peu utilisée car c’est une arme à double tranchant : une fois invoquée, rien n’empêche n’importe quel pays de l’utiliser à son tour pour justifier une nouvelle barrière commerciale.

L’OMC se retrouve dans une situation intenable. D’une part, si elle laisse les Américains utiliser l’exception de sécurité nationale, elle crée un précédent qui permettra l’édification de nouvelles barrières commerciales en dehors de sa juridiction par d’autres pays (la Chine en tête). D’autre part, David Shea a déjà prévenu à plusieurs reprises qu’en cas d’action de l’OMC, les États-Unis pourraient remettre en cause leur appartenance à l’organisation.

Il semble donc urgent pour l’institution d’évoluer afin de traverser cette crise sans précédent. L’incapacité du cadre actuel de l’OMC à régler le problème a déjà un coût. Une possible escalade de la guerre commerciale sino-américaine inquiète les investisseurs internationaux : le mois d’octobre a été le plus mauvais pour les indices boursiers internationaux depuis 2012 ; à la date du 29 octobre, ils ont connu une baisse agrégée de 10 points sur le mois (3).

Reste à savoir si une paix sans vainqueur est possible.

Perspectives :

  • La guerre commerciale sino-américaine pourrait mener à une réforme du processus de règlement de conflit de l’OMC.
  • L’exception de sécurité nationale utilisée par les États-Unis pour justifier les tarifs sur l’acier et l’aluminium met l’organisation dans une situation intenable.
  • Sans solution dans le cadre de l’OMC, la guerre commerciale sino-américaine risque de mettre en péril la gouvernance des échanges mondiaux telle qu’elle existe depuis les années 90. Cela ouvrirait une période d’incertitude très forte pour l’économie mondiale.

Sources :

  1. LJUNGGREN David, LAWDER David, Trade ministers voice support for WTO reforms at Ottawa meeting, Reuters, 25 octobre 2018.
  2. MILES Tom, LJUNGGREN David, U.S. steel tariff fight stirs up a swarm of WTO litigations, Reuters, 29 octobre 2018.
  3. RANDALL David, Global stocks slide as investors fret over new tariffs, David Randall, Reuters, 29 octobre 2018.

Cyprien Batut