Bogotá. Le mardi 23 octobre, à l’occasion d’un débat organisé par l’ONG International Crisis Group (ICG) à Bruxelles, le président colombien Iván Duque a commenté la situation politique et humanitaire du Venezuela. Il a notamment déclaré que “le monde doit isoler le régime vénézuélien pour obliger à un changement d’administration qui mette fin à la crise humanitaire”. En effet, la région latino-américaine, et notamment la Colombie, fait face à une des plus importantes crises migratoires de son Histoire : plus de deux millions de Vénézuéliens ont déjà fui leur pays. Les conditions d’accueil des réfugiés dans les pays voisins sont de plus en plus précaires en raison de flux migratoires croissants.
À la stratégie d’asphyxie diplomatique proposée par le nouveau président colombien, l’Union entend opposer la mise en place d’un dialogue. À partir du projet porté par le ministre espagnol Josep Borrell, le Conseil des Affaires étrangères qui s’est réuni le 15 octobre 2018 a statué sur la nécessité de mettre en place un “groupe de contact chargé de créer les conditions de la mise en place d’un processus politique”. L’objectif est de garantir une sortie de crise en permettant la tenue d’un dialogue audible entre les différents acteurs du conflit – le gouvernement de N. Maduro, les différents partis d’opposition mais aussi les organisations régionales – afin de sortir le pays de son isolement continental et international.
La stratégie d’une sortie de crise dialoguée ne modifie cependant en rien la position de l’Union vis-à-vis du Venezuela. Depuis le début de l’année 2018, Bruxelles a décrété un embargo sur les biens d’équipement militaires et les biens susceptibles d’être utilisés à des fins de répression ainsi que des sanctions financières et des restrictions de déplacement ciblées, qui concernent, à ce jour, dix-huit hauts-dirigeants vénézuéliens.
Les suggestions multilatérales, voire unilatérales, pour faciliter une sortie de crise au Venezuela se multiplient et s’opposent sans aboutir pour autant. En septembre dernier, le secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA), Luis Almagro, avait évoqué la possibilité d’une ”intervention militaire” pour destituer le président Maduro. Une solution vivement critiquée puisque l’Argentine, le Chili, le Brésil ou encore le Mexique rejettent toute démarche impliquant une intervention militaire sur le sol vénézuélien. Quant aux États-Unis, le président Donald Trump envisage tous les scénarios possibles, y compris celui de l’intervention militaire qui est régulièrement évoqué comme menace à l’encontre du régime de Nicolas Maduro.
Perspectives :
- Aucun scénario de sortie de crise n’est pour l’instant privilégié. L’Union a affiché sa volonté d’agir face à l’ampleur de cette crise mais sans prendre un rôle de médiateur dans ce conflit. Si l’ensemble des pays latino-américains (hormis les alliés du Venezuela : la Bolivie, Cuba et le Nicaragua) s’accorde sur la nécessité d’un isolement diplomatique du Venezuela, ils ne parviennent pas à statuer sur une stratégie régionale de sortie de crise.
- En septembre 2018, cinq pays latino-américains (Colombie, Argentine, Paraguay, Chili et Pérou) ainsi que le Canada ont déposé une demande d’ouverture d’enquête auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour “crimes contre l’humanité et violation des droits humains au Venezuela depuis le 12 février 2014, sous le gouvernement de Nicolás Maduro”. La France a officiellement soutenu cette initiative. Cette option juridique apparaît comme une sortie de crise potentielle dans le cas où les résultats de l’enquête pourraient conduire à la prise de sanctions internationales à l’encontre du Venezuela.
- La position des États-Unis vis-à-vis d’une sortie de crise au Venezuela est à suivre avec attention. Le président américain n’a eu de cesse depuis l’été 2018 d’agiter la menace d’une intervention militaire. Scénario de plus en plus crédible comme le révélait The New York Times, le 8 septembre 2018. Différentes entrevues se seraient tenues entre l’opposition vénézuélienne et l’administration Trump pour planifier une intervention militaire étrangère afin de destituer le président Maduro. Une option qu’il est nécessaire d’envisager en raison de la multiplication des décisions et des interventions unilatérales américaines.
Sources :
- Rapport du Conseil des affaires étrangères, 15/10/2018.
- Ivan Duque pidió en Bruselas « aislar » internacionalmente a Venezuela, El Universal, 23/10/2018.
- GUIMÓN Pablo, Trump deja abierta la puerta a una intervención militar en Venezuela, El País, 26/09/18.
- HUBAUT Leonor, Au Venezuela, faciliter le dialogue, le mot d’ordre de l’UE, Bruxelle2Pro, 16/10/2018.
- LONDOÑO Ernesto, CASEY Nicholas, Trump Administration Discussed Coup Plans With Rebel Venezuelan Officers, The New York Times, 08/09/2018.
Marine Torrent