Sinjar. Vendredi 5 octobre Nadia Murad, activiste yézidie irakienne, s’est vue récompensée, aux côtés de Denis Mukwege, en recevant le prix Nobel de la paix 2018, “pour leurs efforts pour mettre fin à l’emploi de violences sexuelles en tant qu’arme de guerre”.

Nadia Murad est une jeune femme originaire du village de Kojo, dans le district du Sinjar qui se trouve dans le Nord-ouest de l’Irak. Elle fait partie de la minorité religieuse kurdophone yézidie (religion monothéiste syncrétique qui comporte des éléments de croyance à la fois issus de l’islam et du christianisme mais aussi du mazdéisme et du zoroastrisme).

Si Nadia Murad a été poussée à s’impliquer dans l’activisme pour les droits de l’homme, c’est à cause des violences extrêmes que sa communauté et elle-même ont subi de la part de l’État islamique (EI). En effet, le 3 août 2014, l’organisation terroriste a lancé une offensive contre le Sinjar tenu par les forces kurdes. Les défenseurs kurdes se sont rapidement retirés. Dans leur conquête du Sinjar les djihadistes se sont rendus coupables de nombreuses exactions à l’encontre des Yézidis du fait de leur hétérodoxie religieuse. Le village de Nadia fut encerclé et, devant le ferme refus des habitants d’accepter une conversion forcée, les djihadistes ont décidé de passé à l’action. Le 15 août les hommes, les femmes et les enfants furent séparés de force, les hommes furent emmenés à l’extérieur du village pour y être exécuté, les femmes et les enfants furent emportées en captivité dans la ville de Mossoul. La prise du Sinjar par l’EI a été ponctuée par de nombreux massacres. On estime le nombre de civils yézidis exécutés entre 1500 et 3000 et le nombre de femmes et d’enfants pris en captivité entre 4000 et 7000.

Comme les autres femmes yézidies, Nadia Murad fut vendue comme esclave sexuelle à des combattants de l’EI. Battue et violé régulièrement, elle a changé de propriétaire à 13 reprises. Elle est finalement parvenu à s’échapper et fut ensuite recueillie par une famille musulmane à Mossoul qui la cacha et lui donna des faux papiers d’identité musulmans afin qu’elle puisse quitter les territoires contrôlés par l’organisation djihadiste (1). Depuis ces évènements elle a décidé de consacrer sa vie à l’activisme politique pour défendre sa communauté, et notamment les femmes qui ont subies les mêmes atrocités qu’elle, auprès de la communauté internationale. En octobre 2016, elle avait déjà reçu le prix Sakharov décerné par le Parlement européen.

Le prix Nobel permet à l’ensemble de la communauté yézidie une visibilité sans précédent et un pas de plus vers la reconnaissance internationale des exactions qu’ils ont subis et qu’ils veulent faire reconnaître comme un génocide (2). Une reconnaissance qui est l’objectif principal de nombreux activistes yézidis. Aujourd’hui, quatre ans après le génocide, 80 pour cent de la population yézidie en Irak vit avec le statut de réfugié dont une bonne partie dans des camps (3). Le district de Sinjar, qui était, avant le passage de l’EI, le territoire à majorité yézidie le plus peuplé d’Irak, est encore détruit à plus de 50 pour cent et les services minimum que sont l’eau ou l’électricité ne sont pas assurés. Devant cette détresse matérielle, les autorités irakiennes et Kurdes ne se bousculent pas pour y apporter des solutions.

Le seul espoir pour les  activistes afin d’améliorer la situation socio-économique des Yézidis en Irak est un support plus important de la part de la communauté internationale. Ce prix Nobel pourrait en être l’élément déclencheur.

Perspectives :

  • Vers la reconnaissance internationale du génocide des Yézidis par le groupe État islamique.
  • Un support plus important pour la minorité yézidie en Irak de la part de la communauté internationale est à envisager.

Sources :

  1. Premier témoignage de Nadia Murad dans un média, sous le pseudonyme de Bassima, recueilli par Christophe Lamfalussy et Johanna de Tessières pour La Libre Belgique en février 2015.
  2. Déclaration de L’ONG yézidie Yazda concernant la remise du prix Nobel de la paix à Nadia Murad.
  3. Rapport officiel du Gouvernement régional du Kurdistan sur la situation des déplacés et des réfugiés en août 2018 dans les gouvernorats de Dohuk, Erbil et Souleimaniye.