Manille. Du 1er au 6 octobre, pour la première fois, un bâtiment de la marine philippine a effectué une visite en Russie. Parti du Manille South Harbour à la fin du mois de septembre avec 440 officiers et un détachement d’hélicoptères à son bord, le navire de transport stratégique Tarlac considéré comme un landing platform dock – LPD – par l’OTAN a accosté à Vladivostok, en Russie (1).

Cet événement souligne la forte volonté du président philippin Rodrigo Duterte d’approfondir ses liens avec la Russie et la Chine. En dépit des contentieux territoriaux avec Pékin en mer de Chine méridionale, l’archipel se détourne de son allié historique américain depuis 2016. L’arrivée de Duterte au pouvoir et les contraintes importantes imposées à l’époque par le Trans Pacific Partnership ont provoqué ce changement de stratégie. Un revirement qui s’est poursuivi par la suite, le retrait américain du TPP ayant ouvert une voie d’influence royale à la Chine.

Dans ce contexte, la Russie a opéré un pivot asiatique et les liens russo-philippins se sont considérablement développés, en particulier dans le domaine de la défense. En juin 2017, les deux États ont signé un pacte militaire et des navires russes ont effectué des visites aux Philippines à de multiples reprises (2). Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a exprimé, lors de sa venue sur l’archipel en mai dernier, sa volonté de développer la coopération technico-militaire afin de moderniser l’armée philippine. Le domaine naval est particulièrement concerné dans ces liens sécuritaires bilatéraux. Comme l’indiquait Delfin Lorenzane, secrétaire philippin à la Défense au mois d’août, l’archipel “est le seul à ne pas avoir de puissance sous-marine” – dans la région (3).

La France et l’Allemagne font aussi partie des marchés examinés, mais au vu du budget militaire restreint des Philippines la Russie est pour l’instant un fournisseur des plus intéressants. En effet, pour l’acquisition de deux sous-marins diesel-électrique de la classe Kilo, la Russie offre un prêt à taux réduit et des facilités de paiement. Une première livraison pourrait avoir lieu d’ici 2023 (1). Le retrait du champ multilatéral opéré par les États-Unis, couplé à la volonté chinoise de construire un nouveau modèle des relations internationales, influe largement sur les équilibres en Asie-Pacifique mais aussi plus largement sur les rapports que peuvent avoir les pays européens avec la zone.

Perspectives :

  • 2018 : poursuite des discussions russo-philippines autour de leur coopération technico-militaire.
  • 2019 : finalisation prévue d’un contrat pour l’achat de deux sous-marins “Kilo” à la Russie.
  • 2023 : livraison estimée du premier sous-marin aux Philippines.

Sources :

  1. LAGNEAU Laurent, Les États-Unis tentent de dissuader les Philippines de se procurer deux sous-marins “Kilo” auprès de la Russie, Opex360, 19 août 2018.
  2. PARAMESWARAN Prashanth, What did the first Philippine naval visit to Russia achieve ?, The Diplomat, 8 octobre 2018.
  3. PARAMESWARAN Prashanth, What’s next for Russia-Philippines maritime ties under Duterte ?, The Diplomat, 14 août 2018.

Jessy Périé