Riga. L’élection parlementaire du 6 octobre en Lettonie a formé un parlement fragmenté. L’Harmonie, le parti soutenu majoritairement par la population russophone du pays, a reçu le plus des votes et se verra attribuer 23 sièges sur les 100 du Parlement. C’est la quatrième élection consécutive à laquelle ce parti arrive en tête, mais il reste toujours exclu du gouvernement. Le Président de la Lettonie n’est pas tenu de désigner le chef du parti gagnant comme le chef du futur gouvernement, il choisit plutôt le chef d’un parti qui arrive à former une coalition – une tâche toujours considérable dans le paysage politique letton assez fluctuant.

Au moins quatre autres partis peuvent se porter candidats : KVP LV (abréviation de “qui possède l’État”) et le Parti des Nouveaux Conservateurs, qui ont chacun obtenu 16 sièges, ou l’Alliance Nationale et Attīstībai/Par ! (“Pour le Développement”) qui ont chacun obtenu 13 sièges. Les Agriculteurs et les Verts, qui ont tenu le poste du Premier ministre jusqu’ici, sont les plus grands perdants avec seulement 11 sièges au parlement et leur partenaire de coalition Nouvelle Unité qui tenait le poste du ministre des Affaires étrangères en la personne d’Edgars Rinkēvičs, est arrivé dernier avec 8 sièges.

Jusqu’ici aucun parti Letton n’a osé former la coalition avec l’Harmonie, qui gouverne la capitale Riga depuis 2009. Le parti est considéré comme trop pro-russe (n’ayant pas condamné l’annexion de Crimée par la Russie ou ayant eu un accord de coopération avec le parti de Vladimire Poutine Russie Unie, résilié seulement en automne 2017), et son chef Nils Usakovs est vu comme trop lié à Moscou. Le parti a dû modérer ses positions depuis 2014 après la chute de la réputation de la Russie, et propose en réalité un programme assez modéré de centre gauche sur le plan économique et social, mais son nom n’apparaît guère dans la discussion sur la nouvelle formation du gouvernement.

KVP LV, un nouveau parti populiste et anti-système, tenant un discours semblable à celui de Donald Trump selon la chercheuse du FPRI Una Bergmane (2), a eu la chance du débutant avec 16 sièges au parlement, ce qui démontre que la Lettonie s’inscrit dans la tendance globale de la hausse du vote protestataire dans les démocraties occidentales. En même temps, selon Bergmane, une tendance européisante et plutôt encourageante a été l’apparition, bien qu’encore timide, de nouveaux partis politiques qui ont proposé des idées véritablement social-démocrates, libérales ou progressistes, comme par exemple, la légalisation des unions homosexuelles.

Le paysage politique en Lettonie a toujours été fragmenté, car la facilité de créer des partis et la volatilité de l’électorat a fait que de nouveaux partis apparaissent régulièrement et que les anciens se recomposent souvent en différentes formations (1). Il est ici normal d’avoir les coalitions du gouvernement composées de trois ou quatre partis, mais la politique reste toujours ancrée autour d’un centre (avec variations à droite ou à gauche), pro-européen et pro-OTAN. Ce système, qui a fonctionné relativement bien depuis l’indépendance de la Lettonie, laisse les experts confiants dans un système letton qui ne devrait pas subir de revirements trop importants.

Perspectives :

  • Les pourparlers pour la formation de la coalition gouvernementale en Lettonie sont prévus prolongés et complexes, mais les experts prévoient une formation autour du centre politique qui ne devra pas trop changer les lignes politiques principales, menées par les gouvernements antérieurs, y compris la forte position pro-européenne de la Lettonie.

Sources :

  1. AUERS Daunis, Comparative Politics and Government of the Baltic States. Houndsmills : Palgrave Macmillan, 2015.
  2. BERGMANE Una, Why Latvian Elections Matter for Europe, Foreign Policy Research Institute, 26 septembre 2018.

Emilija Pundziute Gallois