Skopje. Le référendum consultatif sur le nom de la Macédoine n’a pas atteint le quorum. La Constitution, cependant, ne l’exige pas. Cela peut sembler une chicanerie bureaucratique, mais le résultat des élections laisse présager une volonté visible de la population de changer son nom pour celui de Macédoine du Nord. Près de 95 pour cent des électeurs ont voté pour et le taux de participation était d’environ 37 pour cent. Le débat qui a découlé du veto d’Athènes sur l’adhésion de Skopje à l’Otan et à l’Union sur les questions territoriales est donc toujours ouvert.

Eduard Kukan, membre du Parlement européen, a résumé la position de l’Union par un tweet clair : “Malgré le faible taux de participation, nous devons respecter ce choix et donner à la Macédoine une chance de progresser sur la voie de son intégration à l’Union et à l’Otan”. Les manœuvres du Premier ministre social-démocrate macédonien, Zoran Zavev, visent donc maintenant à ratifier les accords gréco-macédoniens. Dans les couloirs du palais, on parle d’un possible “achat” de parlementaires et seulement huit suffiraient pour le changement de nom constitutionnel. Ou pour de nouvelles élections, plus tôt que prévu, peut-être en novembre.

Reste à voir pourquoi le mécanisme référendaire n’a pas fonctionné. Y a-t-il eu une influence de Moscou ? A cet égard, le Guardian (3) a récemment écrit que “le résultat du référendum est une nouvelle victoire pour la Russie”, bien que Moscou nié en bloc toutes les accusations d’ingérence. Le principal mouvement ayant appelé au boycott du référendum est le Bojkotiram, composé de franges de l’alt-droite qui ont, entre autres choses, l’image de Pepe the Frog, un symbole vitupéré notoirement associé à la politique étrangère russe. Sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les virulents messages antiréférendaires, auxquels a été ajoutée une page qui qualifiait les partisans du référendum de « traîtres ». La haine et les insultes restent donc la recette gagnante. Matthias Vazquez, président de l’Association franco-macédonienne de l’amitié, et observateur temporaire de l’Osce et a expliqué à la Lettre que, bien que les opérations n’aient pas présenté de difficultés particulières, dans les jours qui ont précédé le référendum, il a personnellement constaté “une réaction virulente, constante et immédiate du mouvement Bojcot”.

L’influence de Moscou à Skopje est encore difficile à quantifier, notamment en raison de la complexité de la diatribe de la défense du nom Macédoine, qui a encore un fort soutien populaire. Outre les médias, dont le discours se référait principalement à la “pression occidentale sur le nom”, des épisodes comme celui de Cvetin Chilimanov, un journaliste macédonien bien connu, qui a menacé (1) un journaliste du Financial Times via Twitter, ont également été évoqués.

D’autre part, le nationalisme macédonien, poussé par des décennies de politiques ultra-nationalistes et conservatrices de la part du parti d’opposition Vmro Dpmne, doit être considéré comme l’une des principales raisons de l’échec de cet accord. Bien que le parti ne se soit pas identifié au mouvement Bojcot, il n’a mené aucune campagne électorale (2), participant ainsi à l’élaboration d’un vide informationnel sur le référendum. La non-ratification de l’accord sur le nom par le Président de la République, Ivanov, a ensuite mis le référendum échec et mat. Et Ivanov est président grâce au Vmro Dpmne.

La question du nom, en revanche, a été éclipsée par une question référendaire qui n’en faisait pas mention, ne faisant référence qu’à l’adhésion à l’Union et à l’Otan. Un contrat que les Macédoniens ont peut-être jugé “trompeur”. À cela s’ajoute la peur ethnique des Macédoniens, conscients du conflit armé éphémère déclenché par l’Armée de libération albanaise en 2001. Malgré la coexistence pacifique avec la minorité albanaise aujourd’hui, Skopje reste une capitale fortement divisée, où les drapeaux macédoniens alternent avec ceux des Albanais. Toutefois, la minorité albanaise s’est félicitée du référendum, considérant l’adhésion à l’Union comme une garantie de ses droits et portant un regard positif sur l’Otan en raison de la question du Kosovo.

Dans cette affaire, les opposants à l’accord célèbrent le nom de Macédoine, mais l’amertume dans la bouche demeure quand on constate que le nom officiellement reconnu par la communauté internationale reste Fyrom.

Perspectives :

  • Si le Premier ministre Zoran Zaev ratifie l’accord au Parlement, Skopje verra la voie ouverte à l’Otan et à l’Union.
  • La Russie est prête à menacer d’opposer son veto au changement de nom de la Macédoine, augmentant ainsi les difficultés causées par l’échec du référendum.

Sources :

  1. Birn, OSCE Condemns Threats against FT Balkan Correspondent, Balkan Insight, 2 octobre 2018.
  2. The former Yugoslav Republic of Macedonia, Referendum, 30 September 2018 : Needs Assessment Mission Report, OSCE, 16 août 2018.
  3. TISDALL Simon, Result of Macedonia’s referendum is another victory for Russia, The Guardian, 1 octobre 2018.