Londres. Comment évaluer le coût du Brexit ? La question intéresse bien évidemment les Britanniques, premiers concernés, mais aussi ceux des Européens qui fantasment sur leur propre sortie de l’Union.

Un rapport du CEPR (1), initialement publié en novembre 2017 et mis à jour le 1er octobre 2018 (2), tente d’apporter une réponse. Les auteurs n’essaient pas d’estimer le coût futur du Brexit, mais celui déjà encouru depuis le référendum. En pratique, ils tentent de comparer la situation économique du Royaume Uni aujourd’hui avec celle qui aurait prévalu sans le référendum de 2016.

La question clé pour l’économiste avant d’évaluer l’impact d’un événement est celle du contrefactuel : il a besoin d’une idée crédible de ce qu’il se serait passé sans celui-ci. Le problème est que l’on ne sait justement pas à quoi aurait ressemblé le Royaume Uni sans le Brexit. Choisir de façon ad-hoc un pays similaire et comparer leur évolution depuis 2016 ou bien construire théoriquement une simulation de l’économie britannique sont deux solutions possibles mais insatisfaisantes.

La solution des chercheurs du CEPR a été plutôt de laisser un algorithme construire une combinaison de pays développés, une sorte de monstre de Frankenstein macroéconomique (3), dont l’évolution du PIB correspondrait exactement à celle du Royaume Uni avant le référendum.

Alors que l’évolution du PIB au Royaume Uni et son contrefactuel sont presque exactement semblables jusqu’au référendum, les deux divergent ensuite. Plus précisément, la richesse créée cumulée entre le référendum et le troisième trimestre 2017 au Royaume Uni est inférieure de 1,3 points de PIB, soit 19,3 milliards de livres. Les auteurs estiment que les pertes cumulées devraient atteindre 2.2 points de PIB fin 2018, soit 60 milliards de livres ou bien 7 fois le montant de la contribution annuelle nette de Londres à l’Union.

Comment expliquer ces coûts ? Les auteurs avancent deux hypothèses sans vraiment pouvoir les tester. D’une part, l’augmentation de l’incertitude économique vient décourager l’investissement et la consommation. D’autre part, l’anticipation par les ménages britanniques de la baisse du pouvoir d’achat provoquée par le déclin potentiel des échanges une fois le Brexit effectif a peut-être déprimé la demande effective.

Le coût du Brexit est donc déjà important alors même qu’il ne prend pas en compte le départ effectif de l’Union. L’addition pourrait de plus être encore plus salée dans le futur du moins si l’on se réfère à une étude du CEPII (4).

Perspectives :

  • Ce coût peut s’expliquer par l’augmentation de l’incertitude macroéconomique mais aussi par l’anticipation des ménages britanniques de la perte de pouvoir d’achat suite au Brexit.
  • Ce coût ne prend pas en compte les conséquences plus directes de la sortie du Royaume de l’accord de libre échange européen. Il pourrait donc être plus important dans le futur.

Sources :

  1. BORN Benjamin, MUELLER Gernot J., SCHULARICK Moritz and SEDLACEK Petr, The Economic Consequences of the Brexit Vote, CEPR Discussion Paper No. 12454, 22 decembre 2017.
  2. BORN Benjamin, MUELLER Gernot J., SCHULARICK Moritz and SEDLACEK Petr, £350 million a week : The output cost of the Brexit vote, Vox, 1 octobre 2018.
  3. ABADIE Alberto, DIAMOND Alexis and HAINMULLER Jens, Synthetic control methods for comparative case studies : estimating the effect of California’s tobacco control program, Journal of the American Statistical Association 105(490) : 493–505, 2010.
  4. MAYER Thierry, VICARD Vincent and ZIGNAGO Soledad, The Cost of Non-Europe, Revisited, CEPII Working Paper 2018- 06 , avril 2018 , CEPII.