Bande de Gaza. Le 27 septembre, alors que le Président de l’Autorité nationale palestinienne (Anp), Abou Mazen, s’adressait à l’Onu à New York pour sensibiliser l’opinion publique mondiale sur la situation grave dans laquelle se trouvent les Palestiniens et sur les tentatives – selon lui – de mener un processus de paix à sens unique, de nombreux affrontements violents ont eu lieu à la frontière entre la bande de Gaza et Israël. Dans le énième épisode lié à la soi-disant “marche du retour” – une manifestation organisée en mars dernier par le Hamas pour commémorer les soixante-dix ans depuis la nakba (“catastrophe”) palestinienne qui a eu lieu le lendemain de la défaite, dans la première guerre israélo-arabe de 1948 -, les tensions se sont considérablement accrues entre Israéliens et Palestiniens, entraînant jets de pierres, de grenades et d’autres objets explosifs contre les gares israéliennes à la frontière avec Gazawi. Selon le récit de l’armée israélienne, les militaires ont répondu aux attaques, causant la mort de 7 Palestiniens, dont deux mineurs, et plus de 500 blessés (données publiées par le ministère de la Santé de Gaza) (1). Une situation d’insécurité qui ne peut qu’empirer après la décision de l’armée israélienne de renforcer significativement sa présence dans le sud du pays et les nouvelles menaces d’escalade violente par les dirigeants du Hamas contre Israël.

Bien que l’organisation islamiste ait demandé un nouvel accord avec Israël pour un cessez-le-feu plus ou moins permanent qui évite l’hypothèse d’un conflit à Gaza, le Hamas a menacé de continuer les manifestations violentes le long de la frontière avec Israël et de favoriser ainsi une escalade de la violence pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, sous la médiation des Egyptiens et des Nations Unies, qui prévoient une attention particulière aux plans de reconstruction de la bande, dans un contexte toujours plus difficile, à la limite d’une crise humanitaire.

Ces derniers incidents, ainsi que tous ceux qui se sont produits ces derniers mois depuis le 30 mars, mettent en lumière deux aspects de la crise humanitaire qui touche la bande de Gaza : les divisions intra-palestiniennes et le plan de paix pour la Palestine. Ces deux situations sont étroitement liées et témoignent des difficultés rencontrées par l’establishment de Gaza qui veut montrer, au moins officiellement, sa volonté de dialoguer sans trahir la cause du peuple palestinien. En effet, si d’une part les marches et les affrontements des derniers mois “pilotés” par le Hamas sont également des messages voilés adressés à l’Anp et sa politique qui ne tient pas compte des intérêts des Palestiniens, d’autre part, elle témoigne de tout l’inconfort et de la faiblesse de l’organisation islamiste elle-même, qui, pour contenir les poussées centripète vers elle et les élites du pouvoir dans la Bande, risque de devoir provoquer une course au radicalisme afin de satisfaire les franges les plus extrêmes en son sein (les brigades Izz ad-Din al-Qassam – la branche armée du Hamas – et ses alliés gouvernementaux, tels que le Djihad islamique palestinien) et à l’extérieur (il n’est pas rare de trouver de la part de groupes ou de sujets qui se déclarent proches du Hamas des appels au travail des forces fondamentalistes radicales, locales ou proches du monde palestinien, qui soutiennent la cause contre l’État d’Israël d’une façon instrumentale) (4). Une situation qui n’est certainement pas facile à gérer, aggravée à la fois par le rôle des puissances du Moyen-Orient, chacune d’entre elles cherchant à obtenir sa propre part de pouvoir et d’influence dans cet avant-poste proche-oriental petit mais stratégique, et par les difficultés rencontrées par les États-Unis pour définir un accord décisif sur la question israélo-palestinienne, qui pèse encore politiquement lourd sur les (dés)-équilibres (2) de la région.

Une situation politique de désavantage qui laisse le Hamas derrière le mur avec un dilemme difficile à affronter, entre la nécessité de stabiliser/normaliser les relations, même officieusement, avec Israël et la tentation stratégique de continuer à exploiter la crise humanitaire sur le territoire (5).

Perspectives :

  • Le mécontentement rampant dans la bande de Gaza pourrait donner lieu à des formes de violence politique difficiles à contrôler, qui pourraient conduire à des formes de terrorisme. Selon le think tank israélien Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, l’évolution en question fait référence au phénomène de l’arson terrorism, qui peut se traduire par des attaques incendiaires par divers moyens (des ballons aérostatiques aux simples objets artisanaux hautement explosifs). De plus, une telle dynamique perturbatrice pourrait donner lieu à un phénomène plus sériel et articulé similaire à l’“intifada du couteau” qui a eu lieu en Cisjordanie en 2015. En ce sens, la violence est le résultat des difficultés politiques et de l’isolement que Hamas connaît aujourd’hui.
  • Tout scénario futur dépendra avant tout de la double dimension, interne et externe, dans laquelle l’organisation islamiste joue un jeu sur plusieurs tables. S’il parvenait à surmonter les malentendus avec l’Anp, à créer un gouvernement d’unité nationale et à trouver un accord général, quoique non officiel, avec Israël sur la gestion des frontières, le mouvement pourrait voir reconnaître un statut amélioré qui comporterait des avantages économiques et stratégiques pour la reconstruction de la bande de Gaza et jouer un rôle clé dans la dynamique toujours changeante du Proche et Moyen-Orient.

Sources :

  1. AKRAM Fares, Palestinians bury 7 killed in latest flare-up in Gaza Strip, Associated Press (AP), 29 septembre, 2018.
  2. ARDEMAGNI Eleonora e DENTICE Giuseppe, Emirati Arabi : ‘lunga mano’ su Gaza con placet saudita, AffarInternazionali, 22 octobre 2017.
  3. Comme en témoignent de nombreux rapports internationaux, la gravité de la situation dans la bande de Gaza a dépassé les limites préoccupantes, en raison des graves difficultés rencontrées par la population, qui ne dispose pas de quantités suffisantes d’eau potable, qui vit une grande partie de la journée sans électricité et qui est incapable de trouver les médicaments et autres biens nécessaires en raison également de l’ouverture intermittente des postes frontière avec Israël et l’Égypte. Les agences locales de l’Onu soutiennent qu’en l’absence de changement, la situation deviendra intenable d’ici 2020. Pour plus d’informations : Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) et United Nations Relief & Works Agency (UNRWA).
  4. DENTICE Giuseppe, ZUCCARELLI Simone, Israele-Palestina : nuove tensioni all’orizzonte, in TALBOT Valeria (a cura di), Focus Mediterraneo Allargato n.8, redigé par Ispi et par l’Observatoire de Politique Internationale du Parlement italien et de Maeci, septembre 2018.
  5. ELDAR Shlomo, As Gaza despairs, Hamas has one option left : intifada, al-Monitor, 28 septembre, 2018.