Sarajevo. La force de la Bosnie-Herzégovine est d’offrir l’illusion que l’expérience fédérale de la Yougoslavie n’a jamais pris fin. De fait, l’accord de Dayton en 1995 l’a redessinée comme une petite Yougoslavie d’une grande complexité structurelle au cœur des Balkans.

Composée aujourd’hui du district de Brcko et de deux entités, la Fédération croato-musulmane croate et la Republika Srpska, la Bosnie-Herzégovine se prépare aux élections générales, prévues le 7 octobre, dans un contexte très difficile.

En tant que plante doublement greffée, la Bosnie musulmane devra non seulement faire face de l’intérieur aux menaces du nationalisme croate (3) et du nationalisme serbe de Banja Luka, mais aussi résister aux intempéries des flux migratoires importants, de la radicalisation islamique et des risques terroristes.

Dans une déclaration du département d’État (4), Washington a critiqué l’échec législatif de 2017, arguant de la nécessité d’un dispositif antiterroriste dans la fédération croato-musulmane.

Sur la question électorale, le récent rapport de l’Osce (2) souligne l’orientation ethnique persistante des partis politiques sur le terrain, la représentation insuffisante de la minorité rom et un contexte médiocre d’indépendance des médias. L’obligation pour les candidats à la présidence de déclarer leur appartenance ethnique et leur résidence, explique le rapport, doit être considérée comme « incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme ».

De plus, l’échange territorial serbe au Kosovo et une éventuelle reconnaissance du Kosovo représenteraient pour Sarajevole dernier écueil du sécessionnisme de la Republika Srpska. L’actuel Président de la Republika Srpska, Milorad Dodik, a en effet suggéré à plusieurs reprises l’idée d’un référendum sécessionniste et semble vouloir saisir l’opportunité de reconnaître le Kosovo comme une preuve du consensus international sur le droit des peuples à l’autodétermination. Ce consensus a cependant été approuvé dans un contexte euro-atlantique qui semble prêt à accepter n’importe quelle hypothèse pour mettre un terme aux désaccords dans les Balkans. La preuve en est un éditorial controversé du New York Times (1) qui décrit l’idée de l’échange territorial de la vallée de Presevo avec le nord du Kosovo comme « un nettoyage ethnique pacifique, qui apporterait au moins la paix ».

De fait, les accords de Dayton semblent avoir tracé les frontières de la Republika Srpska, qui semble porter géographiquement la Bosnie sur ses genoux, précisément en raison d’une éventuelle fin de la symbiose étatique entre les deux entités. Mais la fonction tampon de l’entité Srpska ferait défaut, car la réunification ultérieure de Banja Luka à Belgrade serait spontanée. Ce qui pourrait mettre fin à ce que le président Vucic, de Belgrade, appelle la « diaspora » serbe.

Perspectives :

  • Une victoire de Milorad Dodik, déjà au second mandat de la présidence serbe, pourrait confirmer la tendance sécessionniste et radicaliser davantage les sympathies de la Republika Srpska envers Belgrade et Moscou.
  • Si un renforcement du représentant nationaliste croate Dragan Covic devait être confirmé, des scénarios pourraient être élaborés pour aider à façonner une nouvelle entité croate indépendante en Bosnie.

Sources :

  1. KUPCHAN Charles A., An offensive plan for the Balkans that the U.S. should get behind, New York Times, 18 septembre 2018.
  2. OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights, Election Observation Mission Bosnia and Herzegovina, Interim report, 21 septembre 2018.
  3. SASSO Alfredo, Elezioni BiH, Dragan Covic, il trasformista, Osservatorio Balcani Caucaso, 18 septembre 2018.
  4. U.S. Department of State, Bureau of counterterrorism, Country Report on Bosnia-Herzegovina, 2017.