Rome. Le ministre de l’économie et des finances, Giovanni Tria, a dû plier. Alors qu‘il s’était fait fort de répéter durant tout l’été que le projet de loi de finances serait “compatible avec les règles [de l’Union] sur les finances publiques” (4) et défendait ardemment jusqu’à cette semaine un déficit contenu à la hauteur de 1,6 pour cent du PIB, le Conseil des ministres qui s’est tenu jeudi 27 septembre au soir s‘est achevé sur un tout autre arbitrage. Avec un déficit triennal annoncé à 2,4 pour cent et une série de mesures iconoclastes, le gouvernement de Giuseppe Conte entend suivre une ligne ambitieuse et expansionniste pour celle qu’il a nommé “la loi du peuple” : “revenu de citoyenneté” et “pensions de citoyenneté” en faveur des plus pauvres, flat tax pour les petites entreprises, abaissement de facto de l’âge de la retraite, augmentation du fonds d‘indemnisation des épargnants lésés par les liquidations bancaires, révision des grandes politiques d‘infrastructure (3).

Si les deux vice-présidents, Luigi di Maio (M5S, anti-système) et Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), exultaient tous deux, le ton employé diffère : conciliant pour le premier qui n’a “pas l‘intention d‘aller à l’affrontement” ; offensif pour le second pour qui “les marchés se feront une raison”. Le Commissaire européen aux finances, Pierre Moscovici, a annoncé ce vendredi qu’il n‘était “pas dans l’esprit des sanctions”, jamais employées à ce jour, tout en rappelant à l’Italie que son budget est “aujourd‘hui hors des clous” et sa dette nominale la plus élevée de l’Union (2). Celle-ci s‘élève à 132 pour cent de son PIB, soit plus du double de la règle de Maastricht.

La véritable réaction est venue vendredi de la Bourse de Milan. Perdant 25 milliards d’euros de valorisation en une journée (-3,72 pour cent), la place milanaise a entraîné dans sa chute les autres indices européens et le cours de l’euro. Surtout, le spread des obligations d’État italiennes à deux et dix ans a bondi de 30 points de base. Le secteur bancaire italien, qui en détient en grand nombre, se voit encore davantage fragilisé. Intesa Sanpaolo, le plus grand groupe bancaire d’Italie, dévisse de 8,44 pour cent, renforçant les inquiétudes sur sa santé financière (1).

Si Moody’s venait à abaisser le mois prochain la note de l‘Italie, ses obligations se rapprocheraient alors significativement du niveau junk, et les tensions pourraient devenir critiques. En attendant, la Commission n’a pas intérêt au conflit, de peur que la Ligue, premier parti dans les sondages, n’en profite pour attiser le sentiment anti-européen à l’occasion des élections de mai prochain. Les Cinq-étoiles, en quête de crédibilité et de respectabilité, n’y ont pas intérêt non plus. Restent deux inconnues : la réaction de Salvini d’une part, la possible démission de Tria de l’autre.

Perspectives :

  • 1er octobre : réunion de l’Eurogroupe à Luxembourg.
  • D’ici au 15 octobre : présentation formelle du projet de loi de finances.

Sources :

  1. BINI Flavio et RICCIARDI Raffaelle, Spread, fiammata a 280 punti poi scende. Piazza Affari perde il 3,7 % : mercati in tensione col deficit al 2,4 % del Pil, 28 septembre 2018.
  2. Le budget italien « paraît aujourd’hui hors des clous », reconnaît Pierre Moscovici, Europe 1, 28 septembre 2018.
  3. Def, dal reddito di cittadinanza alle pensioni al condono : ecco cosa ci sarà nella manovra, La Repubblica, 27 septembre 2018.
  4. SCHLEE Maxime, Italian economy minister : Next budget is ‘compatible’ with EU rules, Politico, 8 août 2018.