Islamabad. À l’occasion de son accession au poste de Premier ministre, Human Rights Watch (HRW) a adressé à Imran Khan une lettre rappelant leurs attentes en termes de respect de l’État de droit et d’une justice équitable, concernant, entre autres, la liberté de croyance. La pétulante, et récemment nommée au portefeuille des droits de l’homme, Shireen Mazari a alors répondu que le gouvernement connaissait ses obligations en ce domaine, invitant plutôt HRW à s’occuper du sort des musulmans au Cachemire indien et en Palestine ainsi que de l’islamophobie en Occident.

Imran Khan avait promis un « nouveau Pakistan » et une société inclusive qui serait en fait le Pakistan rêvé par Jinnah, exempt de corruption et prônant la tolérance religieuse. Il a pourtant été rapidement ramené à la réalité sur ce dernier point après avoir décidé la création d’un comité d’experts chargé de faire des recommandations pour réformer l’économie. Parmi eux se trouvait Atif Mian, professeur reconnu de l’université de Princeton (New Jersey) qui a le tort d’appartenir à la communauté des Ahmadis qui reconnaît pour prophète Mirza Ghulam Ahmad, un réformateur musulman du 19e siècle. L’idée qu’il puisse y avoir un autre prophète que Mahomet est hérétique pour le clergé sur lequel s’aligne une bonne partie de la classe politique, laissant ainsi le champ libre à l’expression d’une bigoterie exclusive. Depuis 1974, la Constitution ne reconnaît d’ailleurs pas le droit aux Ahmadis de se dire musulmans, ce qui leur vaut d’être victimes de persécution (1).

Alors que la montée en puissance du Tehrik-i-Labbaik, un parti religieux vindicatif professant une vision extensive du blasphème, s’est confirmée lors des dernières élections, Imran Khan a préféré faire machine arrière plutôt que risquer une confrontation avec une opposition religieuse belliqueuse (2). Par solidarité avec Atif Mian, deux autres économistes, Asim Ijaz Khwaja et Imran Rasul, tous deux basés en Occident, ont décidé de démissionner du comité d’experts.  Comme ses prédécesseurs, le nouveau gouvernement opte pour l’apaisement face aux forces obscurantistes au risque de les enhardir.

Source :

  1. Les ahmadis sont-ils une communauté musulmane discriminée ?, in Gilles Boquérat, Le Pakistan en 100 questions, Paris, Tallandier, 2018.
  2. SATTAR Babar, Fighting Bigotry, The News, 8 septembre 2018.