New York. Les temps sont durs pour les crypto-monnaies. L’annonce de Goldman Sachs, mercredi 5 septembre, de l’abandon de son projet d’ouvrir un desk de trading spécialisé dans les transactions en crypto-monnaies a fortement perturbé ce marché déjà extrêmement volatile (5). Depuis la publication de la nouvelle, le Bitcoin a perdu environ 10 pour cent de sa valeur pour passer sous la barre des 6500 dollars ; la chute a été encore pire pour l’Ethereum et d’autres monnaies de moindre importance, qui ont dévissé de près de 20 pour cent au cours de la semaine.

Le coup d’arrêt (au moins pour le moment) mis au projet de Goldman Sachs est significatif, dans la mesure où la banque américaine avait été parmi les premières institutions financières traditionnelles à investir dans le Bitcoin : en 2015, elle avait investi 50 millions de dollars dans Circle, une startup de crypto-finance, et elle pratique déjà des échanges de futures en Bitcoin (3). En parallèle, la nouvelle du transfert de près de 111 000 Bitcoins (équivalents à 700 millions de dollars) sur la plateforme du dark web Silk Road pourrait préfigurer une vague massive de vente de crypto-actifs, et donc se révéler encore plus préoccupante pour le marché en tirant les prix à la baisse (4).

C’est justement l’incertitude, rendue manifeste par les fluctuations de prix, qui motive la nécessité de réguler le phénomène en Europe, où l’Union a commencé à se diriger vers une réglementation commune (6). Pour le moment, chaque État membre de l’Union adopte une approche individuelle, dépendant notamment du statut des crypto-monnaies – qui peuvent être être considérées comme des actifs spéculatifs ou bien comme de réelles devises – très variable d’un pays à l’autre. Pourtant, un traitement uniforme du phénomène au sein de l’Union, qui se substituerait aux réglementations nationales et les harmonise, est fondamental : comme le soutient un récent rapport du think tank Bruegel, dans un marché unique de capitaux, des réglementations différentes peuvent être source de problèmes, en particulier dans le cas d’actifs extrêmement liquides comme le sont les crypto-monnaies. De plus, une loi communautaire permettrait de pallier aux dérives spéculatives du marché, et au contraire d’exploiter de façon efficace les atouts de la technologie sous-jacente, la blockchain, qui pourrait accélérer les flux de capitaux au sein du marché unique. Une première discussion sur ce sujet s’est tenue durant la réunion informelle de l’Eurogroupe les 7 et 8 septembre à Vienne (2).

Pour le moment, cette potentielle future législation génère surtout des appréhensions sur le marché. Pourtant, pour le Bitcoin et ses pairs, la voie vers un fonctionnement officiel passe nécessairement par des règles plus claires et plus précises, qui en minimisent les risques tout en tirant partie de leurs avantages.

Sources :

  1. DEMERTZIS Maria, WOLFF Gunthram B., The economic potential and risks of crypto assets : is a regulatory framework needed ?, Bruegel, septembre 2018.
  2. Presidenza Austriaca dell’Unione Europea, Eurogroup meeting / Informal meeting of economic and financial affairs ministers, 7-8 septembre 2018.
  3. SCHROEDER Stan, Bitcoin startup Circle raises $50 million from Goldman Sachs and IDG, Mashable, 30 avril 2015.
  4. SCHROEDER Stan, Crypto market is crashing hard, here’s why, Mashable, 6 septembre 2018.
  5. SHEETZ Michael, ROONEY Kate, Bitcoin falls after Goldman reportedly drops crypto trading plans, CNBC, 5 septembre.
  6. WEBER Alexander, GROENDAHL Boris, The EU is taking another look at regulating crypto, Bloomberg, 29 août 2018.