San Salvador. Taiwan continue à perdre des morceaux en Amérique centrale. Après le Panama en 2017 et la République dominicaine en mai dernier, ce fut le tour du Salvador d’interrompre le 21 août ses relations diplomatiques avec l’île officiellement nommée République de Chine (2). La décision a été rendu publique pendant une réunion entre le Ministre des Affaires étrangères du Salvador et son homologue chinois à Pékin, qui a officiellement donné le départ a des formelles relations diplomatiques entre les deux pays.

L’événement a une portée historique incontestable. Outre le fait qu’il fait passer à 17 le nombre de pays avec lesquels Taïwan garde des relations diplomatiques formelles, l’événement implique l’effritement de l’influence de Taipei en Amérique latine, qui est historiquement un bastion anti-chinois. La relation spéciale entre les pays de la région et Taïwan été héritage de la diplomatie de la Guerre Froide et de la politique d’alliances anticommunistes, mais elle avait aussi une base économique : les pays alliés de Taïwan avaient reçu jusqu’à aujourd’hui des aides de la part de l’île sous forme de coopération internationale, d’investissements économiques et de grands projets de construction, alors que quelques hommes politiques recevaient des pots-de-vin. Parmi ceux-ci figurait même l’ex président du Salvador, Francisco Flores, qui a accepté un pot-de-vin de dix millions de dollars (4). La visite du premier ministre taïwanais dans la région en avril dernier, relatée dans une précédente édition de la Lettre, avait comme but déclaré le renforcement des relations (1).

Une visite n’a pas été suffisante, même si officielle, face à l’agressivité (et aux capitaux) chinois. L’inauguration de la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures, basée à Pékin, est entrée en concurrence avec les aides financières taïwanaises. Une situation dénoncée par le ministre des Affaires étrangères de Taipei, qui a accusé la Chine de faire de la « diplomatie du dollar ». Mais cela n’a pas suffit à convaincre le Salvador : le président Salvador Sanchez Ceren a justifié sa décision, faisant la louange de la République Populaire de Chine : « un as dans la bonne direction, en accord avec le droit international, les relations internationales et les inévitables changements de tendances de nos jours » (3). Taïwan voit donc sa zone d’influence s’effriter à cause de l’attirance des fonds et du marché chinois, qui reste fermé aux alliés de Taïwan.

Perspectives :

  • L’État le plus influent entre ceux encore allié de Taïwan est le Vatican. Toutefois, en ce cas aussi la situation pourrait bientôt changer, si les voix d’un possible accord pour la normalisation des rapports avec Pékin se révélaient fondées.
  • Depuis l’élection à la présidence de Taïwan de Tsai Ing-wen, qui fait partie du Parti progressiste démocratique (Minjindang), en 2016, les rapports entre Pékin et Taipei se sont encore plus détériorés, puisque le parti du gouvernement soutient avec fermeté l’indépendance de l’île.

Sources :

  1. DE LEON-ESCRIBANO Rosa Mariana, America centrale e Caraibi : l’ultima roccaforte di Taiwan ?, La lettre du lundi, 16 avril 2018.
  2. JANG Steven, Taiwan loses another diplomatic ally as El Salvador switches to Beijing, CNN, 21 août 2018.
  3. MATTONAI Pietro, Taiwan : dopo El Salvador America latina sempre più cinese, Affari Internazionali, 2 septembre 2018.
  4. EEUU : Taiwán sobornó a políticos y militares, Plaza pública, 06/10/2011