Dacca. Les évènements qui ont secoué le Bangladesh au mois d’août ne sont pas de bon augure pour la stabilité, la démocratie et le respect des droits et des libertés. Des manifestations pacifiques étudiantes visant à réclamer une meilleure sécurité routière à la suite de la mort tragique le 29 juillet dernier de deux collégiens percutés par un bus roulant trop vite, ont été réprimées violemment par les forces de l’ordre (1).

L’arrestation brutale du célèbre photojournaliste et militant des droits de l’homme Shahidul Alam à son domicile de Dacca le 5 août dernier témoigne également de l’inquiétante dégradation de la situation dans le pays. Arrêté et molesté pour ses “propos provocateurs” tenus lors d’une interview pour la chaîne Al Jazeera, il risque 14 ans de prison pour avoir “porté préjudice à l’image de l’État et menacé l’ordre public” en affirmant que la contestation étudiante trouve aussi son origine dans la fatigue et la colère des Bangladais face à la corruption généralisée, la censure et les atteintes aux libertés (2).

Ces dernières années, le nombre d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et de disparitions forcées a en effet augmenté au Bangladesh, et des centaines d’opposants ont été exécutés ou ont disparu, au nom de la lutte contre le terrorisme ou le trafic de drogue (3). Ces graves atteintes aux droits humains se sont notamment multipliées cette année, dans le cadre de la politique d’intimidation menée par le parti de la Ligue Awami au pouvoir, à l’approche des élections législatives de décembre 2018.

Perspectives :

  • Dans ce contexte tendu, de nouvelles violences sont à redouter à l’approche des élections prévues en décembre 2018. Les précédentes élections de 2014 ont déjà été le théâtre de violences ayant conduit à une centaine de morts dans le pays, suite au boycott des principaux partis d’oppositions et à la réélection de fait controversée en 2014 de la Première ministre Sheikh Hasina, cheffe du parti de la Ligue Awami. Cette dernière cherchant à se faire réélire, mais manquant cruellement de légitimité, plusieurs observateurs locaux et étrangers redoutent des irrégularités pendant le scrutin, ainsi que l’intimidation d’acteurs politiques et de responsables de bureaux de vote.
  • On constate avec inquiétude une répression croissante ces dernières années menée par les autorités. La stabilité et le développement de ce pays restent extrêmement précaires malgré les importantes avancées accomplies depuis l’indépendance en 1971, et un nouveau cycle de violence n’est pas à exclure.
  • Alors que le Bangladesh s’efforce depuis son indépendance de revaloriser son image internationale et a été salué à de nombreuses reprises depuis un an pour sa gestion de la crise des Rohingyas, la répression des manifestations étudiantes et l’arrestation brutale du photojournaliste ont été vivement condamnées et ternissent l’image du pays.

Sources :

  1. BOUISSOU Julien, Bangladesh : les violences se poursuivent, les autorités coupent l’Internet mobile, Le Monde, 5 août 2018.
  2. PERRIGO Billy, What the Arrest of Photographer Shahidul Alam Means for Press Freedom in Bangladesh, Time, 07 août 2018.
  3. SARWAR Beena, Here’s why the Bangladesh government made a huge mistake by jailing Shahidul Alam, The Washington Post, 20 août 2018.